Source: CNRS / INSU

Deux études réalisées notamment par des chercheurs du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement (LGGE, CNRS / Université Grenoble 1) montrent que le réchauffement climatique a un impact fort sur les glaciers de montagne.

La première étude concerne le glacier de Saint Sorlin (Massif des grandes Rousses, 3400 m d'altitude). Une simulation de l'évolution de ce glacier au cours du XXIe siècle, réalisée dans le cadre du scénario B1 du GIEC (Groupement international d'experts sur le climat ; le scénario B1 correspond à un retour en 2100 à un niveau d'émission inférieur à celui de 1990 se caractérisant par une stabilisation de la concentration en CO2 à 550 ppmv et prévoit entre autre une augmentation de température de 1,8°C d'ici 2100.) sur les émissions futures des gaz à effet de serre, montre que, malgré un scénario climatique relativement optimiste (+1,8°C d'ici 2100), il devrait avoir pratiquement disparu en 2060, laissant augurer une destinée analogue pour l'ensemble des petits glaciers des Alpes situés à basse ou moyenne altitude.

La seconde étude porte sur le glacier du Dôme du Goûter (Massif du Mont Blanc, 4250 m d'altitude). Des mesures de température effectuées dans ses glaces mettent en évidence son réchauffement récent et notable jusqu'à 60 m de profondeur et de fait l'existence d'un réchauffement atmosphérique à ces altitudes. Une simulation réalisée dans le cadre de différents scénarios de réchauffement climatique montre que les glaciers froids de haute altitude pourraient devenir tempérés au cours de ce siècle.

Tout glacier doit son existence à la neige qui s'accumule dans sa partie supérieure et qui en se tassant se transforme en glace, laquelle ira finalement s'épancher jusque dans la partie inférieure du glacier où les températures estivales finissent par la faire disparaître. Les conditions climatiques que subit le glacier contrôlent ces apports et ces pertes de masse qui contribuent à son bilan de masse. Un bilan global positif entraîne une croissance du glacier. Inversement, un bilan négatif conduit à une perte de volume qui se traduit in fine par la remontée du front glaciaire.

Emmanuel Le Meur et ses collègues du LGGE ont dans un premier temps testé un modèle de bilan de masse sur la période 1981-2004 à partir d'une version adaptée aux glaciers du modèle CROCUS (modèle de prédiction de l'évolution du manteau neigeux, concu par Météo-France pour mesurer le risque d'avalanche). Puis ils ont simulé l'évolution future du bilan de masse du glacier de Saint Sorlin sur la base des conditions climatiques du site prédites par le GIEC dans le cadre du scénario B1.
Les résultats montrent que, malgré un scénario plutôt optimiste pour les émissions de gaz à effet de serre, la limite inférieure des neiges éternelles (appelée ligne d'équilibre) se situe à une altitude supérieure au point culminant du glacier. Ce dernier n'accumule donc plus de masse sur l'année et se trouve en déficit chronique. Cette évolution future du bilan de masse a ensuite servi d'entrée à un modèle bidimensionnel d'écoulement glaciaire afin de simuler cette fois-ci la réponse morphologique du glacier à la climatologie du XXIe siècle. La décrue glaciaire ainsi obtenue montre une rapide disparition du glacier dont la survie ne dépend plus que de son épaisseur et de l'intensité de la fonte estivale. On retrouve ici la situation que connaissent actuellement l'essentiel des glaciers pyrénéens, qui avec des altitudes maximales similaires à celle de la ligne d'équilibre (aux environs de 2900 - 3000 m), ne disposent plus de zone d'accumulation et donc régressent inexorablement d'année en année.

Une seconde étude dirigée par Christian Vincent, concerne des mesures réalisées en 1994 et 2005 par des chercheurs du LGGE et de l'ETH (Institut fédéral suisse de technologie.) de Zurich, à l'aide de capteurs de température disposés le long de trous de forage profonds de 140 mètres dans le glacier du Dôme du Goûter (Massif du Mont Blanc). Elles ont permis de mettre en évidence une augmentation de la température de 1°C à 1,5°C sur les 60 premiers mètres de glace, entre ces deux dates. En l'absence de stations météorologiques, ce résultat est le premier qui atteste d'un réchauffement atmosphérique à ces hautes altitudes. Grâce à une modélisation physique du processus de diffusion de la chaleur, les chercheurs ont ensuite montré que ce réchauffement de la glace résulte non seulement du réchauffement de l'atmosphère, mais aussi de la chaleur apportée par le regel en profondeur de la neige fondant à la surface du glacier et ce bien que la fonte de surface à cette altitude soit très faible (voir cette nouvelle). Les simulations qu'ils ont alors réalisées sur le XXe siècle à l'aide de ce modèle indiquent la présence d'une rupture au début de la décennie 1980: c'est en effet à partir de cette date que le regel de l'eau de fonte contribue de façon significative au réchauffement de la glace en profondeur.

Quant aux simulations portant sur le futur, elles montrent que quel que soit le scénario de réchauffement climatique utilisé, les glaciers des Alpes actuellement "froids", situés entre 3500 et 4250 m avec une température en profondeur allant de 0 à environ -11°C, pourraient devenir "tempérés", avec une température en profondeur d'environ 0°C. Si ce réchauffement atteignait la base des glaciers suspendus (Glacier perché sur les parois abruptes de haute altitude.), il pourrait affecter dangereusement leur stabilité.