Par Tangi QUEMENER AFP - Jeudi 27 septembre, 11h03 LEE VINING (AFP) -

Si le lac Mono existe encore, c'est en partie grâce à de nouvelles chasses d'eau économes installées dans les toilettes à Los Angeles, ville qui dépend d'aqueducs reliés aux montagnes de Californie (ouest) pour étancher sa soif.

Difficile de croire que le lac, merveille écologique bordée de volcans et enchâssée à près de 2.000 mètres d'altitude près du célèbre parc national du Yosemite, a failli devenir une flaque boueuse, voire une étendue balayée par des nuées de poussière toxique. C'est pourtant le destin funeste qu'ont connu nombre de lacs de montagne dans l'ouest des Etats-Unis, drainés par les agglomérations.

Dès 1942, Los Angeles avait ainsi commencé à exploiter non le lac Mono, qui est salé, mais les torrents qui l'alimentaient, en achetant des terrains alentour, explique à l'AFP Geoffrey McQuilkin, directeur du "Comité du lac Mono", une association écologique installée dans le village voisin de Lee Vining. Résultat, en 50 ans, le lac a baissé de 14 mètres et perdu la moitié de son volume. Des îles sur lesquelles nichaient des oiseaux se sont retrouvées reliées à la terre, à portée des prédateurs. La concentration en sel était devenue dangereuse pour les animaux du lac, dont certains sont endémiques.

Après une longue bataille judiciaire, une autorité d'arbitrage a révisé en 1994 les droits de prélèvement de Los Angeles. La ville de quatre millions d'habitants a été priée de laisser davantage d'eau couler vers le lac, avec pour objectif de faire remonter son niveau de six mètres en 20 ans.
Les torrents ont recommencé à couler et l'échéance de 2014 est toujours considérée comme réaliste. "Le lac ne retrouvera pas son niveau d'autrefois", concède M. McQuilkin: "C'est une solution de compromis. Le lac doit bien se porter, mais nous savons aussi que les gens ont besoin d'eau". A l'autre bout de l'aqueduc, 500 km plus au sud, Los Angeles a dû aussi faire contre mauvaise fortune bon coeur. "Je mentirais si je disais que cela n'a pas été difficile", indique à l'AFP le président du département de l'eau et de l'électricité de la ville (LADWP), David Nahai: "Mais aujourd'hui, nous sommes fiers de ce que nous avons réalisé".

L'installation de chasses d'eau et de pommes de douches plus économes, les subventions à l'achat de machines à laver efficaces et le recyclage des eaux usées pour l'arrosage ont permis d'effacer la fermeture partielle du robinet du lac Mono: 91,2 millions de mètres cubes par an, soit plus de 10% de la consommation de la ville, ont été économisés.
"Historiquement, Los Angeles a gaspillé beaucoup d'eau", remarque M. McQuilkin. "Mais ils ont désormais des programmes de pointe" en matière de recyclage, selon lui.

La ville, construite en zone semi-désertique, possède, dans ses quartiers riches, une végétation luxuriante et des gazons dignes de la Grande-Bretagne, sans parler des piscines. Un habitant de Los Angeles consomme en moyenne 520 litres d'eau par jour, selon M. Nahai. Le débat sur l'approvisionnement en eau de la deuxième ville des Etats-Unis pourrait devenir aigu, alors que 2007 est pour l'instant l'année la plus sèche dans la région depuis au moins 130 ans. "L'inquiétude est grande, cette année" selon M. Nahai, même si les réserves ont évité au LADWP d'avoir à décréter des restrictions.

"La vraie question est de savoir ce qui va se passer l'hiver prochain. Si la sécheresse dure plusieurs années, (Los Angeles) va devoir effectuer des choix difficiles", prédit M. McQuilkin, dont l'association se consacre désormais à la lutte contre les promoteurs immobiliers qui lorgnent les rivages intacts du lac.