Source: CNRS

Des chercheurs du CNRS et du CEA ont mis au point une méthode pour guider l'assemblage de molécules sur une surface, à l'aide de "clips moléculaires". Comme dans un jeu de construction, les clips vont constituer des outils importants pour la réalisation de nano-composants sur mesure.

Des molécules contenant un, deux ou trois clips (schématisés par deux traits) forment des dimères (à gauche) ou des réseaux à deux dimensions (au centre et à droite) qui s'assemblent spontanément sur une surface, selon une géométrie ajustable en fonction des molécules considérées. Ces assemblages peuvent ensuite être soumis à d'autres manipulations, comme la réorganisation contrôlée (cyclisation) d'une chaîne autour d'une molécule hexagonale (au centre, en vert).

Les développements des nanotechnologies permettent d'élaborer des objets fonctionnels (composants, capteurs...) à partir de l'assemblage d'éléments à l'échelle nanométrique (atomes, molécules, nanotubes, biomolécules...). Pour cela, les chercheurs s'appuient sur les possibilités infinies qu'a la matière de s'organiser spontanément, en fonction des symétries du système. Ils utilisent un substrat cristallin (une surface d'or ou de graphite) dont le réseau va imposer un ordre aux objets déposés. On peut ensuite jouer sur les interactions entre ces objets.

C'est en suivant cette démarche que des chercheurs du CNRS et du CEA viennent de mettre au point une méthode qui permet de prévoir et de maîtriser l'assemblage de molécules sur une surface de graphite, en jouant sur le nombre et la position de "clips moléculaires". "Nos clips sont constitués de chaînes carbonées et de cycles aromatiques, explique André-Jean Attias, du laboratoire Chimie des polymères (CNRS/Université Paris 6). Notre idée est issue de l'observation des structures auto-assemblées de chaînes d'alcanes (hydrocarbures saturés) particulièrement denses et stables sur le graphite du fait de la concordance entre le réseau du graphite et les distances atomiques dans les alcanes, et des fortes interactions entre les molécules alignées."

Le clip ainsi conçu peut être attaché à d'autres entités chimiques pour former la molécule à déposer. Les molécules s'assemblent alors selon une géométrie ajustable en fonction de la structure de la molécule construite, en une couche de molécules "clipées" les unes aux autres sur la surface. En particulier, pour une même molécule, le nombre et la position des clips déterminent l'arrangement moléculaire réalisé en surface. "C'est comme dans un jeu de construction, poursuit André-Jean Attias. Notre méthode permet de guider l'auto-assemblage de molécules spécifiques sur le graphite. C'est un pas important vers la réalisation de nano-composants sur mesure."

Les possibilités du jeu de construction élaboré sur ce concept sont vastes: «Nous avons validé cette approche sur 10 molécules "clipables" différentes. Il devient possible d'attacher les clips à des entités possédant une activité optique ou électronique, voire biologique, en vue de l'obtention de nano-composants spécifiques pour des applications en nano-photonique, en nanoélectronique moléculaire ou même en nano-biologie, souligne Fabrice Charra, du Service de physique et de chimie des surfaces et des interfaces du CEA. En électronique moléculaire, des nanotubes de carbone pourraient être recouverts de molécules choisies pour leurs propriétés conférant aux nanotubes de nouvelles fonctionnalités."

Parmi les différents assemblages réalisés, certains présentent même la capacité de réagir à leur environnement, tirant profit du caractère dynamique associé aux liaisons non-covalentes: en présence de certaines molécules chimiques particulières, ils peuvent capturer ces molécules en se réorganisant autour d'elles (voir l'illustration).