Par Fabrice RANDOUX AFP - Mercredi 10 octobre, 19h45 BRUXELLES (AFP)

Une pomme de terre transgénique, qui pourrait devenir la première plante OGM autorisée à la mise en culture dans l'UE depuis 2004, divise les pays européens, une dissension renforcée par la demande de son fabricant d'utiliser des résidus pour l'alimentation animale.

Ces divisions sont apparues mercredi lors d'un vote des experts des 27 pays membres de l'UE pour approuver ou rejeter cette demande du géant allemand BASF.
Douze pays ont voté contre (Autriche, Malte, Luxembourg, Lettonie, Italie, Grèce, Chypre, Pologne, Hongrie, Danemark, Roumanie, Slovénie), cinq se sont abstenus (Portugal, France, Irlande, Belgique, Allemagne) et dix ont voté pour (Finlande, Espagne, Bulgarie, Estonie, Royaume-Uni, Pays-Bas, Slovaquie, Lituanie, Suède et République tchèque).

Selon une procédure bien rodée, vu les divisions persistantes des 27 sur les OGM, la Commission va renvoyer le dossier au niveau des ministres, qui auront trois mois pour se prononcer. Si aucune majorité ne se dégage à nouveau, alors, la Commission prendra une décision finale, sans doute positive puisqu'elle s'appuie toujours sur l'avis de l'Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA), favorable à cette autorisation. Fin 2005, l'EFSA avait estimé "improbable" que cette pomme de terre "ait un effet néfaste sur la santé humaine et animale ou sur l'environnement dans le cadre des utilisations proposées".

Mais cet avis est critiqué par les organisations écologistes qui soulignent qu'elle a un gène résistant à certains antibiotiques.
"La résistance croissante aux antibiotiques chez les hommes et les animaux est un problème médical reconnu. Toute utilisation inutile d'un gène résistant à des antibiotiques dans une plante est en conséquence irresponsable", avait dénoncé Greenpeace cet été. L'Amflora est une variété de pomme de terre toute en amidon, qui peut être utilisée dans la production de papier, de colles, de textiles et de matériaux de construction. L'amidon sert à rendre brillante la surface du papier, à rendre solide le carton ondulé, à produire des chemises infroissables, etc.

Pour obtenir ce résultat, les chercheurs de BASF ont bloqué le développement de l'amylose, l'autre substance contenue dans la pomme de terre. Dans l'Amflora, l'amylose ne se retrouve plus que dans la peau et son extraction coûte donc moins cher aux industriels. BASF a déjà déposé une demande pour la culture de cette plante mais la firme allemande voudrait aussi revendre la pulpe restant après la production de l'amidon et la peau des pommes de terre comme nourriture pour les animaux. Sur la demande de culture, les ministres de l'Environnement avaient échoué là aussi en juillet à dégager une majorité, laissant à la Commission le soin de décider.
Celle-ci paraissait bien disposée, le commissaire à l'Environnement Stavros Dimas ayant alors recommandé aux ministres d'autoriser cette culture "à condition que les résidus soient détruits et n'entrent pas dans la chaîne alimentaire", selon sa porte-parole, Barbara Helfferich.
La seconde demande, instruite par un autre commissaire, Markos Kyprianou chargé de la Sécurité alimentaire, vient donc contredire la position de M. Dimas, qui aura besoin de plusieurs semaines encore pour prendre une décision, selon Mme Helfferich.

En cas de feu vert, cette pomme de terre serait le premier aliment génétiquement modifié autorisé à la culture depuis la fin du moratoire en 2004 après l'adoption d'une nouvelle législation sur l'étiquetage et la traçabilité.
A l'heure actuelle, seul le maïs MON 810 de Monsanto est cultivé en Europe, principalement en Espagne.