Source: CNRS

La séquence complète du génome de l'algue verte unicellulaire Chlamydomonas reinhardtii vient d'être décodé, pour la première fois, par une centaine de chercheurs, parmi lesquels les deux directeurs de recherche au CNRS. Le génome de cet eucaryote atypique combine certaines caractéristiques spécifiques aux plantes à d'autres propres aux animaux. Les chercheurs ont ainsi découvert de nouveaux gènes, impliqués dans la photosynthèse ou dans la motilité des "flagelles". Avec cet organisme original, ils espèrent mieux comprendre la cellule eucaryote fondamentale. Surtout, ces travaux, publiés dans la revue Science le 12 octobre, laissent présager des applications considérables en agronomie, biotechnologie et dans le traitement de certaines pathologies. L'algue unicellulaire Chlamydomonas reinhardtii est un eucaryote (-par opposition aux procaryotes (archéobactéries et eubactéries), ils possèdent un vrai noyau. Uni- et pluricellulaires, ils rassemblent les animaux, les champignons, les plantes et les protistes-) utilisé depuis une cinquantaine d'années comme modèle pour l'étude, tant de la motilité des flagelles que de la photosynthèse. Ce sont les flagelles qui assurent la mobilité des spermatozoïdes et permettent l'élimination du mucus dans la trachée. Les premiers mutants impliqués dans la biogenèse des flagelles ont été identifiés dans Chlamydomonas. C'est également dans cet organisme qu'a été démontrée l'existence d'un ADN au sein du chloroplaste – organite spécifique des cellules végétales qui réalise la photosynthèse. Comme des mutants de cette algue peuvent être produits et analysés facilement, celle-ci est un organisme modèle très prisé des chercheurs, qui la surnomment "la levure verte".

Débuté en 2001, le projet de décryptage du génome de cette algue a été mené par l'Institut de génomique du département américain de l'Energie (JGI) et a bénéficié des efforts de plus d'une centaine de chercheurs de part le monde, parmi lesquels deux directeurs de recherche au CNRS, Laurence Maréchal-Drouard, choisie pour son expertise concernant les ARNt (acide ribonucléique de transfert, qui joue un rôle fondamental dans la synthèse des protéines), et Olivier Vallon. Ce dernier a coordonné l'équipe chargée d'annoter le génome, c'est-à-dire de décrire les gènes et leurs fonctions. L'analyse de la séquence, d'environ 120 millions de paires de bases, a révélé près de 15 000 gènes, un nombre étonnement élevé pour un organisme unicellulaire. Résultat primordial en lui-même, ce décryptage apporte par ailleurs un formidable outil pour les études génétiques. Dès lors, les chercheurs pourront identifier le gène affecté par une mutation donnée en quelques semaines, au lieu de plusieurs années. Une analyse simultanée des niveaux d'expression de tous les gènes de l'organisme et de leurs variations en fonction des conditions physiologiques est désormais envisageable. Sept ans après Arabidopsis, dont le séquençage en l'an 2 000 avait révolutionné la génétique des plantes, Chlamydomonas est sur le devant de la scène.

Mieux comprendre certaines fonctions essentielles des plantes et des animaux
Surtout, c'est le répertoire génique de Chlamydomonas qui retient l'attention des scientifiques: il s'agit d'une véritable mosaïque évolutive, combinant des caractéristiques clairement "végétales" et d'autres typiques des animaux. En tant que plante, le séquençage de Chlamydomonas éclaire de façon originale l'évolution du règne végétal, de l'aquatique au terrestre, de l'unicellulaire au pluricellulaire. La comparaison avec d'autres génomes d'algues et de plantes a déjà permis de dresser un catalogue de nouveaux gènes impliqués dans la photosynthèse et la biologie du chloroplaste. En revanche, d'autres gènes, et pas seulement ceux liés aux flagelles, sont plus proches du répertoire des animaux. Citons par exemple toute une série de nucléotide cyclases, des enzymes qui sont essentielles chez les animaux pour de nombreuses voies de signalisation intra- et intercellulaires. De nombreuses sélénoprotéines sont également présentes chez Chlamydomonas: elles comportent dans leur séquence un acide aminé rarissime, la sélénocystéine. Il s'agit là d'une propriété très ancienne des eucaryotes, qui n'a été conservée que dans certaines lignées, parmi lesquelles Chlamydomonas et les vertébrés.

Un potentiel biotechnologique, agronomique et médical
Récemment, il a été démontré que certaines maladies génétiques humaines étaient dues à un défaut dans un gène de fonction inconnue, mais dont l'homologue dans Chlamydomonas participe à la motilité flagellaire. C'est une piste précieuse pour identifier les causes de ces pathologies et éventuellement proposer des traitements. De même, la dissection des mécanismes moléculaires de la photosynthèse et de la biogenèse du chloroplaste promet des applications majeures en agronomie et en biotechnologie. En particulier, le chloroplaste est un compartiment de choix pour produire des molécules à haute valeur ajoutée: les gènes étrangers introduits dans l'ADN chloroplastique ne peuvent être disséminés par le pollen, à la différence de ceux qui sont portés par le génome nucléaire des OGM actuels. Aujourd'hui, Chlamydomonas est la seule plante dans laquelle la modification du génome chloroplastique est aisée. C'est également le seul eucaryote capable de produire, sous certaines conditions, de l'hydrogène en utilisant l'énergie solaire. La levure verte, une alternative efficace pour fabriquer le "biohydrogène" ?