Des chercheurs européens ont développé une nouvelle technique permettant d'étudier le mouvement des électrons dans un solide avec une précision inférieure à 100 attosecondes (10^-16 s). Les scientifiques ont ainsi pu mesurer le temps mis par des électrons excités par un faisceau laser pour atteindre la surface d'un échantillon.

L'expérience de spectroscopie photo émissive a révélé que les électrons de la bande de conduction émergent deux fois plus vite que les électrons de liaison.

La théorie classique de l'atome de Bohr prédit que l'électron d'un atome d'hydrogène met environ 150 attosecondes pour "parcourir son orbite". Les noyaux atomiques se déplaçant beaucoup plus lentement, la spectroscopie à l'échelle de l'attoseconde pourrait être employée pour étudier le comportement des électrons en considérant les atomes immobiles dans le temps.
Pour les gaz atomiques, ce type de spectroscopie est possible depuis un certain temps, mais les expériences semblables sur les solides étaient jusqu'alors limitées à une résolution d'environ 10 femtosecondes (10^-14 s). Ferenc Krausz de l'institut Max Planck d'optique quantique de Garching en Allemagne, en collaboration avec des physiciens d'autres universités en Allemagne, Autriche et Espagne ont désormais trouvé un moyen d'améliorer cette précision.

Leur technique utilise une impulsion de 300 as (attosecondes) de lumière ultraviolette extrême (XUV), qui pénètre l'échantillon et en éjecte des électrons par effet photoélectrique. Dans le même temps une impulsion beaucoup plus longue de lumière infrarouge est réfléchie de la surface de l'échantillon. Une fois éjectés, les électrons sont accélérés par la lumière infrarouge vers un détecteur de "temps-de-vol" placé au-dessus de l'échantillon. Cette instrumentation mesure les temps d'arrivée des électrons avec une précision de l'ordre de l'attoseconde.

L'équipe a prouvé l'efficacité de la technique en étudiant le temps mis par les électrons pour être éjectés d'un échantillon de tungstène après avoir absorbé un photon XUV. Ils ont découvert que les électrons s'échappaient du matériau en deux groupes distincts séparés par environ 110 as. En mesurant l'énergie cinétique des électrons de chaque groupe, Krausz et ses collègues ont conclu que les premiers à partir étaient les électrons de conduction, suivis par les électrons de liaison.

Selon l'équipe, environ 20 as de ce délai étaient dus au fait que les électrons de liaison excités avaient davantage de trajet à parcourir dans le tungstène que les électrons de conduction excités, et provenaient donc probablement du plus profond de l'échantillon. Les 90 as restantes du retard correspondent à la différence d'énergie cinétique prévue entre les électrons de liaison et ceux de conduction, chacun d'entre eux ayant absorbé un photon XUV.

Le niveau de l'attoseconde est la limite absolue concernant la rapidité de fonctionnement d'un dispositif électronique. Les minuscules circuits électroniques ayant une taille de quelques atomes pourraient, en principe, permettre la commutation de courants électriques à des fréquences de l'ordre du petahertz (10^15 Hz), ce qui représente près d'un million de fois la fréquence des processeurs actuels. Cependant, les scientifiques en savent très peu sur la façon dont les électrons se déplaceraient réellement dans de tels circuits, et c'est pourquoi Krausz et ses collègues pensent que leur nouvelle technique jouera un rôle intéressant dans le développement des futures technologies de l'électronique.