Par Guy CLAVEL AFP - Vendredi 26 octobre, 20h12 PARIS (AFP) -

Des centaines de trous noirs, objets supermassifs capables de dévorer des étoiles, ont été observés par une équipe internationale dans des galaxies existant lorsque l'univers avait à peine 3 à 4 milliards d'années, une découverte bousculant notre compréhension de son évolution.

Les astronomes, dont les conclusions sont à paraître dans la revue Astrophysical Journal du 10 novembre, ont en fait observé des quasars, des sources de lumière extrêmement brillantes produites lorsque la poussière interstellaire s'engouffre dans un trou noir sous l'effet de son énorme gravité. Leur étude confirme les prévisions théoriques des astronomes, qui croyaient depuis de nombreuses années à l'existence d'une grande population de trous noirs actifs, sans les trouver.
La découverte de centaines de trous noirs dans les seules galaxies visées par cette équipe "implique qu'il y en avait des centaines de millions supplémentaires dans notre jeune univers, soit plus du double de ceux connus jusqu'à présent à cette distance", affirme dans un communiqué la Nasa, l'agence spatiale américaine.
L'équipe d'astrophysiciens menée par Emanuele Daddi, du laboratoire AIM2 (Commissariat français à l'énergie atomique/Université Paris Diderot/Centre national français de la recherche scientifique), a pu déceler les quasars grâce aux satellites Spitzer et Chandra de la Nasa. Elle a examiné un millier de galaxies lointaines, distantes de 9 à 11 milliards d'années-lumière de la Terre et donc observées telles qu'elles existaient dans l'Univers jeune, âgé de quelque 3 ou 4 milliards d'années, a précisé le CNRS dans un communiqué.

Les astrophysiciens ont détecté dans 20% d'entre elles des sources de rayonnement infrarouge, qui se sont révélées être des centaines de quasars dont la luminosité, affaiblie par l'aspect poussiéreux des galaxies, n'avait jamais été repérée jusqu'à présent.
"Nous savions, par des études remontant jusqu'à une trentaine d'années qu'il devait y avoir plus de quasars dans l'univers, mais on ne savait pas où les trouver jusqu'à présent", souligne Emanuele Daddi. "Aujourd'hui, nous avons trouvé la plus grande partie de la population de quasars cachés des débuts de l'univers", ajoute-t-il. "Des trous noirs supermassifs en phase de croissance se trouvaient partout dans l'univers à ses débuts. Nous avions vu la partie émergée de l'iceberg, avant notre recherche. Maintenant, nous pouvons voir l'iceberg lui-même", s'est félicité pour sa part un des co-auteurs de l'étude, Mark Dickinson, de l'Observatoire national d'astronomie optique de Tucson (Arizona). "Les quasars nouvellement détectés permettent de mieux comprendre la formation des galaxies dans l'Univers lointain", souligne le CNRS: par exemple, ils montrent que les galaxies forment leurs étoiles "en même temps que leur trou noir central +grandit+", jusqu'à ce que ce dernier absorbe toutes ces étoiles.

Par ailleurs, cette étude indique que "les collisions entre les galaxies ne joueraient pas un rôle aussi important dans l'évolution des galaxies jeunes que celui qu'on leur attribuait jusqu'à présent" dans le déclenchement des phases d'activité des quasars, note le CNRS.
"Auparavant, c'est comme si nous étudiions l'éléphant en portant un bandeau (sur les yeux), et nous ne savions pas exactement de quel animal il s'agissait. Maintenant, nous pouvons voir l'éléphant pour la première fois", s'émerveille un autre auteur de l'étude, David Elbaz, du Commissariat français à l'énergie atomique (CEA).