Source: CNRS

Contrôler la formation des nanoparticules à l'atome près, tel est le défi que viennent de relever des chercheurs du laboratoire "Collisions, agrégats, réactivité" à Toulouse. Mieux, en parvenant à coller, un à un, des atomes de sodium sur un agrégat, ils ont invalidé le modèle dit des "sphères dures", modèle le plus couramment utilisé à ce jour pour décrire les collisions entre molécules. Publiés le 9 novembre dans la revue Physical Review Letters, ces travaux pourraient, appliqués à l'eau, éclairer le processus de formation des gouttelettes et, plus largement, des nuages.

Phénomène fort répandu dans la nature, la condensation d'un gaz en gouttelettes demeure un processus mal compris et mal décrit. Il intervient par exemple lors de la formation de nuages de haute altitude, qui influencent grandement le climat terrestre. Seule certitude aujourd'hui: le stade initial de la condensation, lorsque la gouttelette contient au maximum quelques dizaines de molécules, est crucial. Paradoxalement, il s'agit de la phase la moins bien décrite par les théories. De plus, certains paramètres essentiels, comme la probabilité qu'une molécule supplémentaire puisse se coller à une gouttelette, n'ont jamais été mesurés.

Contrôler avec précision la croissance des nanoparticules était donc une nécessité. Cette prouesse expérimentale vient d'être accomplie par l'équipe Agrégats du laboratoire toulousain "Collisions, agrégats, réactivité" (CNRS / Université Toulouse 3), dont font notamment partie Sébastien Zamith et Jean-Marc L'Hermite, tous deux chargés de recherche au CNRS. Leur performance est d'avoir réussi à faire grossir, à volonté, des agrégats dont la taille est elle-même sélectionnée à l'unité près. Principale difficulté de l'expérience: réaliser un "atterrissage en douceur" de l'atome sur l'agrégat. En effet, en cas de collision trop violente, l'atome provoque l'explosion de l'agrégat.

Et les premiers résultats ne se sont pas fait attendre. En collant un à un des atomes de sodium sur un agrégat de même nature, les chercheurs ont mesuré la probabilité de collage d'un atome en fonction de la taille de l'agrégat. À leur grande surprise, ces mesures ont infirmé le modèle dit des "sphères dures" dans lequel cette probabilité est proportionnelle à la surface de l'agrégat. L'équipe a ainsi mis en évidence que ce modèle est uniquement valable pour les très grandes surfaces. Pour les agrégats de petite taille, la probabilité de collage dépend fortement de l'énergie de collision. De façon plus surprenante, au-delà d'une certaine énergie de collision, il a été mesuré une probabilité de collage plus petite que celle prédite par le modèle des sphères dures. Cette propriété est attribuée aux électrons de l'agrégat qui jouent sans nul doute un rôle important, mais jusqu'ici négligé, dans le phénomène de collage.

Transposable à de nombreux autres systèmes, cette expérience livre quelques paramètres essentiels de la phase initiale du processus de formation des nanoparticules. Elle devrait permettre de mieux comprendre certains aspects de la formation des nuages de haute altitude, comme les cirrus stratosphériques, dont l'influence sur le climat terrestre est considérable.