Source: CNRS

Le proverbe "Tous les chemins mènent à Rome" peut se traduire en lois mathématiques: en effet, celles-ci nous disent bien qu'on finit toujours par parvenir au but ultime de son périple quelle que soit la route empruntée. Ce qu'elles ne précisent pas en revanche, c'est en combien de temps.

Des chercheurs du Laboratoire de physique théorique de la matière condensée (LPTMC) viennent de combler ce manque. Après de nombreux calculs jetés sur le papier et des simulations sur ordinateur, ils ont élaboré une théorie statistique qui donne très précisément la durée d'un voyage effectué de manière totalement aléatoire entre deux points, ce que les mathématiciens appellent le "temps moyen de premier passage". Et ce, même lorsque le parcours, semé d'obstacles, ressemble à un véritable labyrinthe.

Jusqu'à présent, les équations étaient seulement capables de décrire des cas simples. Et encore, à de rares exceptions près, uniquement si les déplacements aléatoires s'effectuaient sur une ligne droite. On ne pouvait donc même pas dire au pauvre ivrogne, qui prenait une direction au hasard à chaque croisement, quand il arriverait chez lui ! Le résultat obtenu par les scientifiques du LPTMC répond enfin à cette question pour tout un tas de situations. "Le plus surprenant, c'est que dans tous les cas, le temps moyen de premier passage dépend essentiellement de deux paramètres: la taille de la région à explorer et la distance entre le point d'arrivée et le point de départ, explique Olivier Bénichou, du LPTMC. On aurait pu penser qu'une géométrie complexe comme une structure fractale ou encore un réseau imbriqué comme Internet allait avoir une influence sur la durée. Eh bien non."

Munis d'un tel résultat, les chercheurs comptent désormais le faire sortir du laboratoire pour le confronter à la réalité. Le temps de propagation d'un virus sur Internet, la durée pour qu'une molécule atteigne sa cible dans une cellule et déclenche des réactions... Les phénomènes qui offrent un test grandeur nature de leur théorie sont nombreux. Et en retour, l'outil mathématique pourrait servir à mieux les comprendre. "Connaître le temps de diffusion d'une molécule dans une cellule permettrait de remonter aux propriétés du milieu. Les physiciens iront même se frotter prochainement à des fourmis en collaboration avec un éthologue. Objectif: modéliser la recherche de nourriture par les insectes qui alternent phases de fouille minutieuse et déplacements rapides. Une situation encore plus compliquée qui passionne les chercheurs.