Par Christian CHARCOSSEY AFP - Mercredi 23 janvier, 11h16 PARIS (AFP) -

Florissante à la fin du XIXe siècle, la production française de truffes, le "diamant noir", est aujourd'hui menacée d'une quasi-disparition en raison du réchauffement du climat, alors que la demande progresse.

"Le dérèglement climatique nous a fait perdre 50% de la récolte de truffes noires - seulement 20 tonnes pendant l'automne et l'hiver 2007/2008 au lieu des 40 tonnes prévues- ce qui est considérable", déplore Jean-Charles Savignac, président de la Fédération française des trufficulteurs (FFT). "Ce qui est grave, c'est que ce n'est pas une année isolée de mauvaise récolte, mais la troisième consécutive et la sixième depuis l'an 2000", regrette-t-il.
Une seule explication pour le président de la FFT: "de trop longues périodes de sécheresse autour du bassin méditerranéen et des gelées longues et profondes dans d'autres régions productrices".

La France n'est pas la seule touchée, l'Italie et l'Espagne le sont aussi. Aujourd'hui ces trois pays, principaux producteurs du "diamant noir", ne récoltent plus qu'une centaine de tonnes par an alors que 1.600 tonnes avaient été ramassées dans le seul hexagone en 1868. Des chercheurs et des spécialistes venus de 17 pays, aussi lointains que l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Chili et la Chine, ont tenté de trouver un remède lors d'un colloque consacré à "l'avenir de la trufficulture face au réchauffement climatique" qui s'est tenu à Ménerbes (Vaucluse).

"Le réchauffement aura un impact sur la production qui se déplacera plus au nord vers le Poitou-Charentes, la Bourgogne, la Lorraine et plus en altitude", estime Jean-Marc Olivier, directeur de recherches à l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) de Bordeaux et coordinateur du programme expérimental truffe en France. "Il faudrait que Bruxelles accorde une enveloppe de 10 millions d'euros pour la recherche dans quatre pays : France, Espagne, Italie et Hongrie", plaide M. Olivier.

La création d'une prime communautaire de plantation d'arbres truffiers -- actuellement de 10.000 hectares dans l'Union européenne --, a déjà été refusée par la commissaire européenne à l'Agriculture Mariann Fischer Boel. Les trufficulteurs ont cependant l'espoir de voir une partie de leur demande d'aide acceptée pendant la présidence française de l'Union au second semestre de 2008.

En attendant, avec un marché mondial (USA, Japon, Europe) dont la demande progresse, les prix au détail s'envolent. Les prix sur le marché de Ménerbes ont récemment "atteint entre 900 et 1.100 euros le kilo", confie Michel Santinelli, président pour la région PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur) de la FFT. "Ils ont même atteint un sommet de 1.300 euros/kg à Rognes (Bouches-du-Rhône) juste avant Noël alors qu'il y a 10 ans on pouvait encore en acheter autour de 400 euros", ajoute-t-il. Aussi, pour "rendre plus consommable et plus abordable la truffe", le maire de Ménerbes Yves Rousset-Rouard a-t-il inauguré, sur moins d'un hectare, la première truffière municipale en France. Le produit de la vente des truffes, qui n'apparaissent pas dans le sol avant 5 ou 10 ans, ira aux oeuvres municipales.

La France compte trois grandes zones de production de truffes: la truffe noire dans le sud-ouest (Périgord, Lot, Charente) et dans le sud-est (Drôme, Vaucluse et Alpes-de-Haute-Provence) et la truffe grise en Bourgogne et Lorraine.