Par Christine COURCOL AFP - Mardi 5 février, 16h21 PARIS (AFP) -

L'agence du médicament (Afssaps) a lancé mardi une mise en garde contre la prescription à des enfants ou des adolescents d'anti-dépresseurs comme le Prozac sans surveillance médicale extrêmement stricte et sans association avec une psychothérapie.

Pas moins de 10.000 enfants et 30.000 adolescents, soit un cinquième de ceux souffrant de dépression, sont traités chaque année par anti-dépresseur, a indiqué mardi lors d'une conférence de presse Anne Castot, responsable de département à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).

A l'exception de deux antidépresseurs traitant les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), tous les "inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine" (ISRS) -dont fait partie le Prozac- étaient jusqu'à récemment déconseillés aux enfants et adolescents, du fait d'un risque de comportement suicidaire.

Mais en 2006, le Prozac (laboratoire Lilly) et les médicaments génériques du même type (principe actif : fluoxétine), autorisés depuis 1988 pour les adultes, ont reçu une autorisation européenne de mise sur le marché pour les enfants et les adolescents, compte tenu de leur efficacité. Avec comme indication le traitement de dépressions caractérisées d'intensité modérée à sévère en association à un traitement psychothérapeutique.

Pourtant, une étude chez le rat juvénile a "montré clairement des anomalies inquiétantes", selon Mme Castot, avec troubles de la croissance, de la maturation sexuelle et des organes sexuels (anomalies testiculaires, diminution irréversible du nombre de spermatozoïdes...). "Il ne s'agissait que d'une seule étude sur une seule espèce animale, mais préoccupante", a-t-elle indiqué. Pour elle, "c'est un signal qu'il est très important de ne pas oublier".

Les autorités européennes ont demandé au laboratoire Lilly des études complémentaires, dont les résultats ne sont pas encore connus. Après 18 mois de réflexion, l'Afssaps a tout de même entériné cette extension aux enfants et adolescents, mais avec de fortes réticences. "Nous avons travaillé avec des professionnels pour éviter la banalisation de l'usage, mais il y a des situations, où il est impossible de se passer d'anti-dépresseur", a noté le directeur général de l'Afssaps, Jean Marimbert.
L'Afssaps a donc émis mardi des recommandations supplémentaires. D'abord, seuls les cas sévères ou extrêmes de dépression enfantine peuvent être traités au Prozac, l'ordonnance pouvant être établie "seulement par un pédopsychiatre". La psychothérapie reste le traitement de première ligne.

Le risque de comportement suicidaire doit être surveillé, surtout en début de traitement. Le suivi de la croissance et du développement pubertaire est également impératif pour les enfants traités avant la puberté. "Au-delà de trois mois de traitement, l'enfant doit être vu par un endocrino-pédiatre", estime l'Afssaps. L'agence a également mis en place un dispositif spécifique de suivi de pharmacovigilance national pour déceler tout risque.