Par Nicole DESHAYES AFP - Vendredi 8 février, 18h13 LYON (AFP) -

Le guitariste attaque les premières notes de "La Java Bleue". Petit à petit, les regards des octogénaires s'animent, puis leurs lèvres: à l'hôpital gériatrique Antoine Charial près de Lyon, la musicothérapie accompagne les malades d'Alzheimer pour réveiller les souvenirs.

Chaque semaine, une vingtaine de patients - en grande majorité des femmes - participent à ces séances de chant animées par Daniel de Rossi, un musicien exerçant depuis dix ans dans les hôpitaux lyonnais.

"La musicothérapie est un concept très ancien, qui se fait beaucoup dans les pays anglo-saxons, mais son intégration dans le fonctionnement habituel d'une unité gériatrique de long séjour est une volonté lyonnaise", souligne le Dr Hakki Onen, praticien hospitalier.

Dans leurs fauteuils roulants, Odette et Ginette, 93 ans toutes deux, entonnent la mine radieuse les airs de leur jeunesse, applaudissant joyeusement le guitariste après chaque chanson pour en redemander une autre. Derrière elles, Raymonde est sous le charme de la musique. "J'aimais danser, j'allais dans les bals et je dansais tout", se remémore cette octogénaire qui ne "se souvient plus de son âge". Et d'ajouter: "ça me donne encore envie de danser". André, un sémillant routier retraité de 82 ans, n'hésite pas à entraîner une patiente sur l'air du "Plus beau tango du monde", bientôt suivi par deux autres malades ayant deux infirmières pour cavalière.
"La Vie en rose" tire de leur torpeur plusieurs patientes assoupies dans leur fauteuil roulant. Les yeux de Marie-Louise s'allument comme si la musique avait réveillé un souvenir.

"La musique permet d'établir un contact avec le malade et d'avoir des échanges", note Daniel de Rossi qui a vu plusieurs patients recouvrer la parole grâce à la musicothérapie. Il se souvient ainsi d'une Alsacienne de 90 ans qui dormait habituellement durant les séances. Lorsqu'il a entonné "Mon Beau Sapin" en allemand, "elle a ouvert les yeux, bougé les lèvres pour chanter et s'est mise à pleurer", raconte-t-il. "On ne sait pas si la musicothérapie ralentit l'évolution de la maladie, mais ça améliore l'humeur et le bien-être de nos patients et nous permet de réduire la consommation excessive de neuroleptiques ou d'anxiolytiques", souligne le Dr Onen. "Pendant les périodes de musique, les patients ne gémissent plus à cause de leur mal-être", observe le gériatre, soulignant les "vertus antalgiques de la musique". "Quand on leur joue les airs d'autrefois, ça réveille leurs souvenirs et leur procure du plaisir", ajoute-t-il.

"C'est très difficile au début, leur attention monte petit à petit et puis ça redescend car ils fatiguent vite", observe Brigitte Siché, une animatrice pour qui "même ceux qui apparemment ne captent pas en profitent à leur façon". "Mais on sait que ça leur plaît", ajoute-t-elle. "Et la certitude, c'est que dans l'après-midi, certains chantent encore".