Source: La Recherche

Oubliez la notion de dépendance physique ! Pour les « accros » aux drogues, à l’alcool, ou encore aux jeux d’argent, la réalité est tout autre. Maladie neurologique à part entière, l’addiction à un produit est, on le sait aujourd’hui, associée à des modifications cérébrales aboutissant à la recherche compulsive de drogues.

Cocaïne, tabac, héroïne, alcool… Lorsqu’elles sont consommées à répétition, ces substances perturbent le circuit cérébral de la récompense, à l’origine de l’état habituel de bien-être. L’individu agit alors, non pas pour se trouver mieux, mais pour se rapprocher de son état normal. D’où l’apparition d’un mal-être permanent. De récentes recherches révèlent également que d’autres zones du cerveau, impliquées dans la prise de décisions, sont atteintes. Il devient alors de plus en plus difficile de maîtriser la consommation à mesure que le temps passe.

Comment expliquer que nos neurones perdent ainsi le contrôle ? Pour répondre à cette question, les neurobiologistes explorent, depuis quelques années, la façon dont les drogues agissent sur le cerveau. Des études moléculaires menées sur des animaux ont mis en évidence plusieurs mécanismes. L’un d’eux est lié à la surexpression dans une région cérébrale appelée « noyau accumbens », d’une protéine dite delta FosB. Cette dernière active la transcription de gènes dont certains codent des protéines susceptibles de modifier la structure des neurones. Delta FosB serait ainsi responsable de l’apparition de nouvelles connexions entre neurones.

En toute hypothèse, ce changement de connectivité neuronale favoriserait la réactivité du cerveau face aux objets ou aux lieux associés à la drogue. Et expliquerait le phénomène de rechute. Mais la propension à « replonger » ne repose pas seulement sur l’emprise de l’objet « drogue » sur la mémoire. Elle reflète également l’incapacité du sujet à résister à la tentation. Pourquoi ne le peut-il pas ? Les mécanismes de cette perte de contrôle prennent une place croissante dans les travaux qui sont consacrés au syndrome addictif. Ceux-ci montrent combien le cortex préfrontal, qui se trouve au coeur de la prise de décision, est affecté chez les personnes dépendantes.

Pour autant, ces résultats n’expliquent pas tout. Comment interpréter le fait que seule une très faible proportion des personnes consommant de la drogue tombe sous son emprise ? Quel terrain personnel prédispose à l’addiction ? S’il y a aujourd’hui si peu de réponses à ce sujet, c’est en grande partie parce que les études neurobiologiques étaient jusque-là menées avec des modèles d’animaux imparfaits.

La donne va probablement changer grâce à la mise au point à l’Inserm de Bordeaux, d’un modèle animal « comportemental » de l’addiction. En outre, qu’en est-il de ceux qui deviennent incapables de limiter leur consommation de drogue sans substances : jeux, achat, sexe, sport, travail, Internet... Doit-on les considérer comme des cocaïnomanes ? Autant de questions que vous retrouverez ce mois-ci dans un dossier spécial de La Recherche, enrichi d’infographies et d’une bibliographie.