Source: CNRS

Les biologistes le savent depuis le XIXe siècle: l'hémisphère gauche de notre cerveau est spécialisé dans le décodage et la production de la parole. Mais quelles sont les bases physiologiques de cette étonnante spécialisation ? Associés à des collègues danois, allemands et américains, des chercheurs de l'École normale supérieure de Paris ont tenté de répondre à cette question cruciale. Dans une étude parue dans la revue Neuron en décembre, ils montrent, pour la première fois, que les cortex auditifs gauche et droit (traitant les informations auditives) présentent une différence dans leur activité électrique de base. C'est cette divergence qui permettrait au cortex gauche de distinguer les sons du langage, les "phonèmes" ; alors que le cortex droit serait plus spécialisé dans la reconnaissance de la voix humaine.

Par l'utilisation simultanée de deux techniques d'étude de l'activité cérébrale (électroencéphalogramme et imagerie par résonance magnétique fonctionnelle), la neurobiologiste Anne-Lise Giraud et ses collègues ont analysé le cerveau de 20 personnes au repos. Résultat: "Nous avons observé que le cortex gauche présente globalement une activité électrique plus rapide (autour de la fréquence 40 Hz) que le cortex auditif droit ; lequel présente, lui, davantage d'activités d'environ 4 Hz", explique la chercheuse du CNRS.

Second résultat important: les scientifiques ont aussi constaté une différence d'activité dans le cortex "moteur" commandant nos mouvements. Ils ont noté des oscillations rapides (40 Hz) au niveau des régions initiant les mouvements de la langue, nécessaires à la production des phonèmes ; et des oscillations lentes (4 Hz) dans les aires impliquées dans les mouvements de la mâchoire, déterminant le rythme de la parole.

"Plus inattendue, cette seconde observation reflète un alignement entre les propriétés des cortex sensoriels et celles des cortex moteurs contrôlant le langage, conclut Anne-Lise Giraud. Elle laisse penser que les cortex auditifs et moteurs ont interagi lors de l'évolution pour optimiser l'association entre les mécanismes d'écoute et de production de la parole."