Pour nous orienter dans le monde, nous nous référons intuitivement à un espace à trois dimensions: haut/bas, droite/gauche et devant/derrière. Mais comment notre cerveau divise-t-il ainsi l'espace ?

En observant des patients atteints d'un trouble neurologique appelé héminégligence spatiale, Isabelle Viaud-Delmon, chercheuse du laboratoire "Vulnérabilité, adaptation et psychopathologie", et des neurobiologistes des hôpitaux universitaires suisses de Genève et Zurich ont apporté un début de réponse. En effet, ils ont découvert que notre cerveau gère notre orientation en traitant indépendamment chacun des trois axes de l'espace.

"L'héminégligence spatiale est un modèle très intéressant pour étudier comment le cerveau perçoit l'espace, commence Isabelle Viaud-Delmon. Pouvant survenir après un accident cérébral, ce dysfonctionnement du cerveau empêche de traiter consciemment la portion d'espace “controlatéral” (situé du côté opposé) à la lésion. Les personnes qui en souffrent peuvent ignorer un pan entier du monde: le gauche ou – plus rarement – le droit."

La chercheuse et ses collègues ont demandé à deux patients héminégligents d'imaginer qu'ils étaient à un endroit bien connu d'eux et d'en décrire, verbalement et par des dessins, l'organisation depuis leur point de vue imaginé: face ou dos au lieu. Résultat: quand ils se figuraient face au lieu choisi, les patients omettaient de décrire les éléments à leur gauche. En revanche, ils ne présentaient plus cette dichotomie lorsqu'ils exposaient ce qui se situait dans leur dos.

"C'était très fascinant à voir, commente la neurobiologiste. Quand on a demandé à un des patients d'imaginer se tenir dans sa chambre d'hôpital et de décrire ce qu'il y avait en face de lui, il ne dessinait que les lits à droite ; lorsqu'il se figurait dos à la porte, tous les lits apparaissaient !" Jusque-là, les scientifiques n'avaient jamais pensé à vérifier si les héminégligents pouvaient se représenter, en pensée, tout l'espace derrière eux. L'anomalie constatée devant n'est pas présente derrière. L'axe gauche/droite n'est donc pas dépendant de l'axe devant/derrière. Ce devrait aussi être le cas pour la direction haut/bas.

Cette étude a été publiée en octobre dans la revue Annals of Neurology.