Source: CEA / CNRS / IBS

En culture intensive, les plantes luttent entre elles afin de bénéficier du meilleur ensoleillement possible. Pour cela, elles ont développé un ensemble de réactions connu sous le nom de "syndrome d'évitement de l'ombre". Par quel(s) mécanisme(s) biologique(s) ces plantes réussissent-elles à activer leur croissance pour prendre l'avantage sur leurs voisines ? Cette question est à l'origine des travaux menés par des chercheurs de l'IBS (L'Institut de biologie structurale (IBS) est un institut mixte CEA-CNRS-Université Joseph Fourier), comme Jean-Pierre Ebel, et de plusieurs équipes de recherche américaines, suédoises et argentines. Leurs derniers travaux, qui viennent d'être publiés dans la revue Cell, ouvrent des perspectives pour la recherche en agronomie.

La lutte que les plantes se livrent pour bénéficier d'un meilleur ensoleillement est un phénomène facilement observable et bien identifié. En effet, les plantes cultivées à haute densité perçoivent, grâce à leurs différents photo-récepteurs, une altération du spectre de la lumière liée à l'absorption de la lumière rouge par le feuillage et à la réflexion de la lumière dans l'extrême rouge par les autres plantes. Ces changements dans la qualité de la lumière déclenchent une série de réactions connues collectivement sous le nom du "syndrome d'évitement de l'ombre". Ce syndrome se traduit par plusieurs signes: élongation des tiges au détriment des feuilles, augmentation des organes de stockage, inhibition de la ramification et accélération de la floraison.

Pour aller plus loin dans la compréhension de ce phénomène, des chercheurs du Laboratoire de cristallographie et cristallogenèse des protéines de l'IBS, en collaboration avec des équipes américaines, suédoises et argentines, ont identifié, chez Arabidopsis, plusieurs gènes impliqués dans le syndrome d'évitement. Ils ont montré que des mutations de ces gènes se traduisent par une réponse altérée lorsqu'elles sont cultivées à l'ombre. Un de ces gènes encode une enzyme particulière, TAA1, dont ils ont résolu la structure à l'échelle atomique et caractérisé le site actif. Ils ont également pu montrer que TAA1 catalyse la conversion de tryptophane (Le tryptophane est l'un des vingt acides aminés constituant les protéines) lors de la première étape d'une nouvelle voie de biosynthèse de l'auxine, une des hormones de croissance des plantes. Cette voie de biosynthèse serait ainsi mise en oeuvre rapidement par la plante afin de produire l'augmentation de la quantité d'auxine nécessaire au déclenchement des modifications associées au "syndrome d'évitement de l'ombre".

Le "syndrome d'évitement de l'ombre" chez les plantes cultivées a des conséquences importantes sur la quantité et la qualité de la biomasse produite. La compréhension des mécanismes moléculaires qui sous-tendent la mise en oeuvre de cette stratégie d'évitement est donc une première étape vers une amélioration des plantes destinées à être cultivées en grande densité, situation classique de l'agriculture moderne.