Source: CNRS

Le premier génome d'un animal parasite de plantes vient d'être séquencé par un consortium international de 27 laboratoires, impliquant l'INRA, le CNRS et le Génoscope et coordonné par une équipe de chercheurs du Centre INRA de Sophia-Antipolis. Il s'agit du génome d'un ver parasite de plantes, le nématode à galles, Meloidogyne incognita. Cette avancée permet de lever le voile sur l'arsenal et les adaptations développés par les ravageurs des cultures pour attaquer les plantes. Cette étude a aussi conduit à l'identification de nouvelles cibles pour le développement de stratégies de lutte spécifique contre ces organismes. Le détail de ces travaux est publié dans l'édition avancée en ligne de la revue Nature Biotechnology du 27 juillet 2008.

Les nématodes sont des vers qui représentent une large fraction de la diversité biologique sur terre, et qui colonisent tous les milieux: 25 000 espèces sont décrites, et on estime que le nombre total d'espèces pourrait atteindre plus d'un million. En dehors de l'espèce Caenorhabditis elegans, qui est un modèle pour les recherches sur le développement et le vieillissement des organismes, très peu de choses sont actuellement connues sur la diversité au sein du groupe des nématodes.

Les nématodes parasites de plantes, rencontrés majoritairement dans le sol, sont responsables de dégâts estimés à plusieurs dizaines de milliards d'euros par an à travers le monde. La lutte chimique représentait jusqu'à une date très récente le moyen de lutte le plus largement répandu. En raison de leur toxicité pour la santé humaine et l'environnement, la plupart des molécules utilisées ont été interdites récemment et la mise au point de solutions alternatives est un enjeu majeur à très court terme.

La publication de la séquence du génome du nématode à galles, Meloidogyne incognita (parasite extrêmement polyphage, capable d'attaquer plus de 3000 plantes hôtes; il est particulièrement dommageable sur les cultures maraîchères -tomate, piment, melon, etc.-, sur le café, le coton, etc.), représente une avancée majeure à plus d'un titre. Il s'agit en effet, à la fois, du premier séquençage de génome d'un animal parasite de plantes et d'un métazoaire parthénogénétique (c'est-à-dire se reproduisant sans sexualité). Pour Pierre Abad, directeur de l'unité mixte de recherche Interactions biotiques en santé végétale (INRA-CNRS-Université de Nice Sophia-Antipolis) et coordonnateur de ce projet, "cette étude va permettre d'avoir un premier éclairage sur l'arsenal parasitaire présent chez ces ravageurs de plantes et sur les mécanismes génétiques à l'origine de la formidable capacité d'adaptation de ces organismes asexués."

Le Génoscope (Paris, France) a produit au total plus de 1 million de fragments séquencés à partir desquels la prédiction de gènes a été réalisée avec le support de l'INRA de Toulouse. Les ressources et les compétences de l'ensemble des partenaires du consortium international (dont l'INRA, le CNRS, et le Génoscope, pour la France) ont ensuite été mobilisées pour analyser l'ensemble de ces données.

Un génome complexe à l'origine d'une extrême plasticité
Au cours de l'analyse du génome, les chercheurs ont eu la surprise de constater que le génome de ce nématode était en fait constitué de la juxtaposition d'au moins deux génomes. Le taux de divergence moyen entre ces différents génomes est un des plus importants jamais observé jusqu'à présent dans le règne vivant. Cette particularité génétique pourrait être à l'origine de l'acquisition rapide de nouvelles fonctions conférant à ces organismes asexués leur grande capacité d'adaptation responsable de leur large distribution à travers la planète.

Un arsenal enzymatique adapté au parasitisme des plantes
Un autre résultat majeur de cette analyse est l'identification d'un large éventail enzymatique permettant la dégradation de la paroi cellulaire des plantes. Cette diversité et cette richesse sont d'une extrême originalité dans la mesure où elles restent inégalées à ce jour dans le règne animal. La nature des gènes impliqués est également surprenante puisqu'ils présentent de très fortes similitudes avec des gènes bactériens, suggérant l'existence de multiples évènements de transferts horizontaux d'origine bactérienne. L'acquisition de nouvelles fonctions via les transferts de gènes pourrait représenter un élément clé de l'adaptation des organismes animaux au parasitisme des plantes.

L'analyse comparée du génome de ce nématode avec ceux d'autres nématodes, comme C. elegans et le nématode parasite de l'homme Brugia Malayi ou encore la drosophile, a également permis d'avoir une première image de ce qui fait l'identité des parasites animaux, mettant en évidence par là-même de nouvelles cibles potentielles, plus spécifiques, pour lutter contre ces organismes.

Cette première séquence génomique complète d'un organisme animal parasite de plantes apporte donc des bases pour la compréhension des relations hôte-pathogène et elle complète notre vision des adaptations par lesquelles les ravageurs de plantes envahissent leurs hôtes.

Dans un avenir proche, le séquençage programmé d'autres génomes de nématodes ayant des modes de vie différents permettra de mieux comprendre le succès évolutif de ces organismes à l'échelle de la planète.