La famille des virus s'agrandit... L'équipe de l'Unité de recherche sur les maladies infectieuses et tropicales émergentes, dirigée par Didier Raoult, vient de décrire un nouveau type de virus qui constituerait une nouvelle entité biologique. Ce virus, appelé virophage, infecte les virus géants comme le Mimivirus. Il permet de réaliser des transferts de gènes d'un virus géant à un autre. Ces travaux ont été publiés le 7 août 2008 dans la revue Nature.

Un virus est une entité biologique qui nécessite une cellule hôte, dont il utilise les constituants, pour se multiplier. Chaque domaine du vivant, eucaryotes, bactéries et archées (le monde vivant est divisé en 3 domaines basés sur la structure cellulaire: les eucaryotes -caractérisés par la présence d'un noyau, constituant les plantes, les animaux, les champignons- et les procaryotes -cellules sans noyau- sous divisés en 2 domaines ayant des caractéristiques biochimiques propres, les bactéries et les archées), est parasité par des virus qui leur sont propres. C'est tout du moins ce qui était admis....Mais un nouveau venu dans le monde des virus vient bouleverser les idées reçues.

Ce virus appelé virophage, par analogie avec les bactériophages qui sont les virus de bactéries, a été découvert dans un virus géant appelé Mamavirus. Les chercheurs de l'Unité de recherche sur les maladies infectieuses et tropicales émergentes (CNRS/Université Aix Marseille 2) ont montré qu'il est également capable d'infecter le virus géant Mimivirus, le plus grand virus à ADN jamais recensé, qu'ils ont découvert chez une amibe en 2003.

Les chercheurs ont d'abord pensé que le virophage était comparable aux fragments d'acides nucléiques appelés satellites que l'on trouve régulièrement associés aux virus. D'où le nom de Spoutnick qui lui a été donné ! Mais Didier Raoult et ses collaborateurs ont finalement montré que Spoutnick est un véritable virus. Incapable de se multiplier seul dans les cellules, il doit se multiplier dans l'usine à virus de Mimivirus où il est produit parallèlement à son hôte. Parasite, il entraîne une diminution de la multiplication de Mimivirus ainsi que des défauts de fabrication, se caractérisant par des anomalies morphologiques. On retrouve parfois plusieurs particules virales de ce virophage dans une grande capside (couche de protéines qui recouvre l'acide nucléique d'un virus) vide de Mimivirus.

L'analyse du génome du virophage montre qu'il échange des gènes avec Mimivirus mais qu'il a aussi importé des gènes de virus d'autres domaines de la vie. Les chercheurs ont en effet découvert chez Spoutnick une composition génique toute particulière: des gènes de Mimivirus, un gène de virus d'archée et deux gènes proches de ceux des bactériophages. L'analyse du génome du virophage a été réalisée en collaboration avec des chercheurs français et américains (Patrick Forterre du Département de microbiologie de l'Institut Pasteur et Institut de Génétique et Microbiologie de l'Université Paris Sud et Eugene Koonin du National Center for Biotechnology Information -NCBI-, National Library of Medicine -NLM-, National Institutes of Health -NIH- USA).

Le virophage constitue une nouvelle famille virale et une nouvelle entité biologique. C'est un virus de virus qui permet de réaliser le transfert latéral de gènes entre virus géants. Cette découverte renforce l'idée que les virus géants, comme les autres organismes, ont des parasites viraux qui sont susceptibles de permettre le transfert de gènes d'un virus à un autre.