Source: CNRS

Le laboratoire Développement et évolution du système nerveux (CNRS/Ecole Normale Supérieure de Paris) dirigé par Alain Prochiantz, Professeur au Collège de France, en collaboration avec des laboratoires japonais et américain (Professeur Takao Hensch) vient de démontrer que la plasticité du cortex cérébral visuel dépend du passage d'une homéoprotéine (Protéines qui possèdent un homéodomaine, qui leur confère la capacité à se lier à l'ADN sur une séquence spécifique. Elles sont donc localisées dans le noyau cellulaire et ne devraient, à priori, pas pouvoir en sortir) entre différentes cellules. Cette découverte revêt une importance particulière puisque ce mécanisme pourrait concerner plus de 200 protéines de la même famille. Ces résultats ont été publiés le 8 Août 2008 dans la revue Cell.

Le cerveau en développement possède une étonnante capacité à organiser ses voies nerveuses en réponse à l'expérience sensorielle. Cette plasticité cérébrale est particulièrement forte au cours de périodes critiques du développement, essentiellement après la naissance. Ainsi, au cours de la période critique pour le développement de la vision binoculaire, les stimulations visuelles en provenance des deux yeux participent au modelage du cortex visuel (Le cortex visuel occupe le lobe occipital du cerveau et traite les informations visuelles relayées par la rétine et le thalamus). En cas de privation des stimuli visuels en provenance d'un oeil, cet oeil devient sous-représenté au niveau cortical, au bénéfice de l'oeil resté actif. Passé cette période de plasticité, les modifications anatomiques sont quasiment irréversibles, même si l'oeil occlus est rouvert.

L'hypothèse, proposée par l'équipe d'Alain Prochiantz dès 1991, selon laquelle certaines protéines nucléaires, les homéoprotéines, pourraient s'échanger d'une cellule à une autre, constitue une innovation de grande portée théorique. Plus pragmatiquement, cette équipe a identifié des mécanismes originaux d'entrée et de sortie de ces protéines, et en a tiré des applications biotechnologiques. Aujourd'hui, en collaboration avec un laboratoire de l'Institut Riken (Japon) et un laboratoire de Harvard Medical School (USA), l'équipe vient de découvrir une fonction physiologique reliée à ce mécanisme original: le transfert d'une homéoprotéine régule la plasticité du cortex visuel binoculaire de la souris.

Dans le cas présent, c'est l'action de l'homéoprotéine Otx2 sur certaines cellules du cortex visuel qui a été mise en évidence. En effet, cette protéine particulière, synthétisée dans une autre partie du cerveau, vraisemblablement à un niveau sous-cortical (possiblement même dans la rétine), mais capturée par ces cellules provoque leur maturation. Or c'est cette maturation qui est à l'origine de l'ouverture puis, vingt jours plus tard (chez la souris), de la fermeture de cette période de plasticité visuelle.

Ces travaux suggèrent que le transfert de l'homéoprotéine Otx2, ou au contraire un défaut de ce transfert, pourrait être une des causes du déséquilibre du traitement des informations visuelles à l'origine de l'amblyopie (baisse de l'acuité visuelle due à une expérience visuelle anormale pendant les premiers mois de la vie).