Source: BE France numéro 213 (5/08/2008) - ADIT / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/55524.htm

Certes, le gras est le pire ennemi des prescripteurs de régimes. Cela dit, les lipides alimentaires fournissent certains acides gras indispensables à la santé de l'homme et, qui plus est, procurent d'inoubliables plaisirs gustatifs. On comprend dès lors pourquoi ces lipides sont au centre des préoccupations de l'équipe de Physiologie de la Nutrition que dirige Philippe Besnard au sein de l'Unité 866 de l'Inserm "Lipides Nutrition Cancer". Les travaux qui y sont poursuivis pourraient en effet conduire notamment à la mise en évidence d'une nouvelle modalité gustative dédiée aux lipides. Pour les secteurs de l'agroalimentaire et de la pharmacie, ce serait alors la promesse de nouvelles applications.

CD36, une molécule passionnante
Il n'y a pas si longtemps, la recherche sur la perception orale des lipides était encore confinée dans le périmètre d'une poignée de chercheurs dans le monde. Mais au cours de ces dernières années, les travaux se sont multipliés dans ce domaine, en particulier au Japon, pionnier dans ce domaine, avec l'équipe de Torhu Fushiki de l'Université de Kyoto, mais aussi aux Etats-Unis, notamment grâce aux travaux menés par l'équipe de Richard Mattes du Département Aliments et Nutrition de l'Université Purdue. "Celui-ci a montré récemment qu'il existe une perception orosensorielle des lipides alimentaires chez l'homme", précise Philippe Besnard dont l'équipe travaille depuis très longtemps sur l'absorption intestinale des lipides et a décidé, il y a plusieurs années, en collaboration avec le Centre des Sciences du Goût (CSG) de Dijon, d'élargir cette thématique à la perception des lipides au niveau de la sphère orale, ces deux aspects ne cessant de se rejoindre.

Aujourd'hui, cette équipe d'une douzaine de personnes, travaille plus particulièrement sur "CD36", une molécule que les chercheurs appellent un "récepteur/transporteur". Isolée pour la première fois dans le tissu adipeux, cette molécule ces chercheurs l'ont retrouvé au niveau de l'intestin et plus récemment dans les papilles gustatives de souris. "CD36 y joue un rôle inédit, celui de lipido-récepteur gustatif", s'enthousiasme Philippe Besnard qui ajoute: "Ce qui est passionnant c'est que le CD36 lingual joue un rôle important dans le comportement alimentaire. Il est en effet impliqué dans la préférence spontanée pour les lipides chez la souris". D'où les travaux développés par cette équipe qui visent à comprendre comment fonctionne cette protéine, que ce soit au niveau lingual et intestinal, mais aussi du cerveau. Aussi s'est-elle lancée notamment dans le développement d'un projet baptisé "SensoFAT", labellisé par le pôle de compétitivité vitagora et financé par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche).

De nombreuses collaborations internationales
Dans le cadre de ce projet, deux thèses sont en cours, l'une, financée par le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, lancée dès septembre 2007, l'autre, financée par l'ANR, qui a démarré début 2008. "Que se passe-t-il au niveau du cerveau ? Qu'en est-il chez l'homme ? Telles sont les deux grandes questions actuelles auxquelles nous allons devoir répondre", résume le responsable de cette équipe de recherche. Or pour parvenir à des réponses dans le cadre de ce programme ambitieux, cette équipe, ne disposant pas de l'ensemble des compétences requises, à fait appel à celles d'autres chercheurs. Un consortium collaboratif a donc été créé avec quatre autres équipes françaises, celle Naïm Kahn de l'Université de Bourgogne, celle de Christophe Magnan de l'Université de Paris VII, celle de Philippe Frogel de l'Institut Pasteur de Lille, enfin celle de Gilles Mithieux de l'Université Lyon I.

Parallèlement, cette équipe a développé de nombreuses collaborations internationales, en relation notamment avec le rôle du CD36 au niveau intestinal. Pour autant, d'autres collaborations de ce type avec les laboratoires les plus en pointe sur le rôle du CD36 au niveau lingual chez l'homme pourraient être envisagées prochainement. "Si nous parvenons à démontrer qu'il existe chez l'homme un système oro-sensoriel CD36-dépendant identique à celui qui permet de détecter les lipides alimentaires chez l'animal et qu'il joue aussi un rôle dans ses choix alimentaires, notamment pour les acides gras, il sera alors possible d'imaginer le développement d'agonistes et d'antagonistes de ce récepteur dans le but d'agir sur ce comportement et de combattre les problèmes d'obésité", estime-t-il. Mais Philippe Besnard modère aussitôt notre enthousiasme en reconnaissant qu'un tel scénario reste aujourd'hui du domaine de la science-fiction. "Néanmoins, si nous disposons des moyens nécessaires, nous pouvons aller très vite", conclut-il.