Les femmes issues de populations différentes ont souvent des génomes plus proches que les hommes issus eux aussi de populations différentes. Ce fait déjà bien connu des chercheurs s'expliquait jusqu'alors par la patrilocalité (les femmes migrent pour s'installer dans le village d'origine du mari, celui-ci restant généralement toute sa vie à l'endroit où il est né). Or, Laure Ségurel et Renaud Vitalis, respectivement doctorante et chercheur CNRS dans l'équipe de génétique des populations du laboratoire Eco-Anthropologie et Ethnobiologie (CNRS/Muséum national d'Histoire naturelle/Université Paris 7) dirigée par Evelyne Heyer, viennent de montrer que l'organisation sociale des populations humaines joue également un rôle sur la diversité génétique. Ces résultats ont été publiés dans la revue PLoS Genetics le 26 septembre 2008.

Les chercheurs savaient déjà que les différences génétiques entre populations sont en général moins importantes chez les femmes que chez les hommes. Jusqu'à présent, ceci était expliqué par la patrilocalité (fait que les femmes migrent pour s'installer dans le village de leur mari et donc y apportent de nouveaux gènes). Mais en étudiant 21 populations d'Asie centrale, toutes patrilocales, Laure Ségurel et ses collaborateurs ont montré que d'autres caractéristiques influencent les différences de structure génétique hommes/femmes. Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé une nouvelle approche plus informative. En effet, la plupart des études de génétique des populations humaines se concentrent sur la variation de l'ADN mitochondrial (l'ADN mitochondrial est transmis uniquement par la voie maternelle) et du chromosome Y (chromosome sexuel transmis des pères à leurs fils). L'étude de Laure Ségurel et collaborateurs trouve son originalité dans le fait que c'est l'une des premières à offrir une analyse conjointe de la variation génétique sur des marqueurs contrastés du point de vue de leur hérédité (ADN mitochondrial, chromosome Y, chromosome X -chromosome sexuel transmis des mères à leurs enfants et des pères à leurs filles- et autosomes -chromosomes non-sexuels-).

Parmi les populations étudiées en Asie Centrale, certaines ont une organisation patrilinéaire (mode de filiation fondé sur l'ascendance paternelle, favorisant le regroupement d'hommes apparentés génétiquement) tandis que d'autres sont organisées de façon bilinéaire (importance égale de l'ascendance paternelle et maternelle). Les résultats obtenus confirment le fait que la migration des femmes joue bien un rôle dans les différences de structure génétique hommes/femmes, mais pas uniquement: ces différences sont bien plus fortes chez les populations patrilinéaires ! Ceci montre que l'organisation sociale a elle aussi une influence qu'il ne faut pas négliger. La prochaine étape est maintenant d'estimer précisément l'importance relative de la migration des individus de chaque sexe et de l'organisation sociale.