Par Christine COURCOL AFP - Vendredi 10 octobre, 20h21 PARIS (AFP) -

Les nanomatériaux, structures microscopiques fabriquées par l'industrie et qu'on trouve dans des centaines de produits, sont des substances "dangereuses" pour lesquelles doit jouer à plein le "principe de précaution", a affirmé vendredi l'Agence sanitaire de l'environnement.

Après publication d'un premier rapport en 2006, l'Agence de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) a été saisie à nouveau par ses autorités de tutelle (ministères du Travail, de la Santé et de l'Environnement) pour étudier leurs effets sur la santé des travailleurs exposés dans un cadre industriel ou de recherche.

Les nanomatériaux sont composés de structures dont au moins une des dimensions varie entre 1 et 100 nanomètres (1 nm = 1 millionième de millimètre), ce qui leur confère des propriétés particulières. Ils ont connu en quelques années un développement tous azimuts, avec une fabrication à niveau industriel de plus de 800 produits.

Grâce à eux, on peut obtenir des surfaces hydrofuges ou lipofuges, faire des produits en nanotubes de carbone cinq fois plus légers que l'acier et avec "une résistance mécanique très supérieure" (avions, bateaux de compétition). Avec des nanoparticules d'argent, on peut fabriquer des revêtements antibactériens, avec celles de titane des pneus plus résistants...

Mais les nanomatériaux ne sont pas sans risques. Se dispersant par "aérosolisation", ils peuvent être absorbés par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée. Ils sont si petits qu'ils passent toutes les barrières jusqu'au noyau de la cellule, explique le Pr Gérard Lasfargues, professeur de santé au travail au CHU de Tours.

Leurs effets ne sont pas établis, mais ils pourraient causer selon lui des inflammations au niveau du coeur, du poumon ou du rein, des fibroses pulmonaires, voire provoquer des effets toxiques sur les gènes, avec des "effets cancérogènes potentiels".

Certes il est difficile de mesurer l'exposition, faute d'appareils de métrologie en nombre suffisant, et d'appréhender la toxicité des effets, faute d'études. Les 180 industriels fabriquant des nanomatériaux ont renâclé d'ailleurs à fournir à l'Afssaps les données à leur disposition, puisque seulement 19% ont répondu à l'enquête menée pour ce rapport.
"On a beaucoup de données insuffisantes", admet le Pr Lasfargues, mais on ne part pas de rien". Pour le Dr Eric Gaffet, directeur de recherches au CNRS, les incertitudes relativement à leur toxicité et leur stabilité en font des particules "potentiellement dangereuses".

Pas question donc de réagir comme ce fut le cas pour l'amiante, une fois que les dégâts pour la santé seront avérés. Les scientifiques de l'Afsset demandent donc de "privilégier le principe de précaution" aussi bien pour la manipulation que pour le transport en réduisant le risque à un niveau minimum "lorsqu'il est impossible de le supprimer".

Ils prônent la réduction de la durée d'exposition, des mesures de protection collective complétées par des protections individuelles, l'information des salariés. Ils suggèrent le confinement des nanopoudres (nanomatériaux sous forme de poudre) dans des systèmes clos, pour empêcher la dissémination de la source et le contact avec l'opérateur.

Le Haut Conseil de la santé publique, saisi pour des nanotubes de carbone qui ont chez le rat des effets proches des fibres d'amiante, devrait rendre un avis d'ici la fin de l'année. Un 3ème rapport de l'Afsset, sur les risques pour le consommateur, devrait sortir d'ici un an.