Un type inédit de coeur artificiel qui ressemble à un coeur humain, "le plus en pointe au plan mondial", selon ses concepteurs français, pourrait voir le jour dans les prochaines années et remplacer définitivement un coeur malade, afin de pallier la pénurie de greffons.

Le Pr Alain Carpentier, spécialiste de chirurgie cardio-vasculaire à l'Hôpital européen Georges Pompidou à Paris, a annoncé lundi qu'un coeur artificiel total, projet auquel il travaille depuis 15 ans, allait être produit à quinze exemplaires en vue d'une implantation "d'ici deux ans et demi" pour essai chez l'homme.

"Il ne s'agit pas d'une première", souligne le Pr Carpentier, mais du franchissement d'une étape "importante". "On passe aujourd'hui de la recherche pure à l'application clinique, après 15 ans de travail on passe la main à l'industrie pour produire un coeur artificiel utilisable chez l'homme", a-t-il souligné à l'AFP.

Depuis les années 80, plusieurs projets de coeur artificiel ont vu le jour, pour la plupart des substituts ventriculaires posés en attente d'une greffe. Mais aucun ne semble encore avoir réussi à résoudre à long terme les problèmes les plus complexes, infections et surtout formation de caillots.

Or, selon le Pr Carpentier, son projet répond à ce problème-là.

Il utilise des matériaux mieux tolérés, "bioprothétiques" - inventés par le Pr Carpentier "il y a plus de 30 ans" pour des prothèses de valves cardiaques vendues aujourd'hui dans le monde entier -, qui sont fabriqués, précise-t-il, à partir de "tissus animaux traités chimiquement pour éviter le rejet immunologique".

Grâce à ces tissus, "les malades n'ont pas besoin d'anti-coagulants", souligne-t-il.

Membre de l'Académie des sciences, le Pr Carpentier a reçu en 2007 le prix Albert Lasker de recherche médicale justement pour son invention des bioprothèses valvulaires.

Son projet de coeur reproduit la physiologie d'un coeur normal, avec deux ventricules activés séparément et avec les mêmes flux sanguins, la même "hémodynamique". Des pompes internes permettent d'aspirer le flot de sang et de le rejeter dans les artères, comme dans le corps humain. Des valves assurent le passage du sang dans un seul sens. Des piles extérieures fournissent l'énergie nécessaire à la prothèse.

Les prototypes expérimentaux ont été testés chez l'animal (mouton, veau) mais "surtout par simulation numérique", selon le Pr Carpentier.

Ce cœur va être réalisé par une entreprise biomédicale, Carmat (pour "Carpentier" et "Matra"), émanation du groupe européen de défense et d'aéronautique EADS qui bénéficie du soutien de la banque publique d'aide aux petites et moyennes entreprises Oséo.

Le Pr Carpentier a d'ailleurs rendu hommage à Jean-Luc Lagardère, fondateur aujourd'hui décédé du groupe éponyme, principal actionnaire privé français d'EADS, "un homme de vision et de coeur".

La compétition est vive autour du coeur artificiel. Aux Etats-Unis, Abiomed a déjà obtenu en 2006 l'approbation de la Food and Drug Administration pour son Abiocor, mais la FDA a imposé une étude précise sur les résultats des interventions. Pas moins de cinq équipes travaillent sur le sujet au Japon.

Ultime recours quand tout a échoué et que la greffe est impossible, les implantations de coeur artificiel sont rares. Selon des données récentes, il y en aurait eu à ce jour quelque 900 au monde, avec une durée de survie moyenne de 4 ans.

Le premier patient au monde à avoir été greffé avec un coeur artificiel permanent, en juin 2000, est décédé en décembre 2007.