Un agriculteur de Charente a obtenu auprès du tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) la reconnaissance d'un lien entre la pathologie dont il souffre et une intoxication en 2004 par un herbicide fabriqué par le groupe Monsanto et retiré du marché en 2007.

Paul François, un agriculteur de Bernac (Charente) âgé de 44 ans, avait été intoxiqué le 27 avril 2004 alors qu'il nettoyait une cuve-pulvérisateur ayant contenu un herbicide, le Lasso, produit fabriqué par le groupe chimique américain Monsanto et dont la vente est interdite en France depuis 2007.

A partir de novembre 2004 et jusqu'en juin 2005, Paul François avait été sujet à des comas brutaux et avait dû être hospitalisé à plusieurs reprises. Il est aujourd'hui encore astreint à des contrôles médicaux réguliers.

La procédure de reconnaissance de maladie professionnelle a "abouti à la reconnaissance du lien de causalité entre les pathologies de M. François et son exposition au produit", a souligné son avocat, Me François Lafforgue.

"La rechute déclarée le 29 novembre 2004 par M. Paul François est directement liée à l'accident du travail dont il a été victime le 27 avril 2004" et "doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle", indiqué le TASS dans son jugement de lundi infirmant "la décision de l'Aaexa (Assurance Accidents des Exploitants Agricoles)".

Monsanto a indiqué dans un communiqué que "n'étant pas partie à cette affaire" il ne souhaitait pas "à ce stade" apporter un commentaire concernant la décision du TASS.

"Lasso a été retiré du marché français le 28 avril 2007 du fait de la non réautorisation de la substance active au niveau européen", a-t-il ajouté soulignant l'importance des "bonnes pratiques d'utilisation des produits".

Pour l'agriculteur, qui s'apprête à demander réparation au fabricant, "c'est une reconnaissance, avant tout une satisfaction morale, et j'espère que cela va encourager d'autres agriculteurs à oser parler". "Cela montre que nous sommes les premiers exposés à la dangerosité de ces produits", a-t-il déclaré à l'AFP.

En effet, plusieurs expertises avaient été menées à l'époque sans établir de relation entre l'accident du travail d'avril 2004 et les troubles persistants de l'agriculteur.

Selon M. François, les travaux de Jean-François Narbonne, professeur de toxicologie à l'université de Bordeaux, sur lesquels s'est appuyé le tribunal, ont au contraire expliqué "pourquoi les symptômes étaient apparus aussi longtemps après l'intoxication".

"Je suis tombé gravement malade à partir de novembre 2004 jusqu'en juin 2005", a-t-il expliqué. "Je perdais connaissance et je tombais dans un coma profond", a-t-il indiqué précisant que c'est au cours d'hospitalisations successives qu'on a découvert qu'il avait "encore des toxines dans le corps". "Il y a une démarche devant le tribunal de grande instance de Lyon pour voir engagée la responsabilité de la société Monsanto. Et c'est aussi l'une des premières fois qu'un agriculteur se retourne contre le fabricant de pesticides qui est à l'origine de ses affections", selon son avocat.

Les Verts de Charente se sont réjouis, dans un communiqué, de la décision estimant que le "pot de terre vient de marquer un point". "Enfin, on reconnaît en France que l'utilisation d'un pesticide peut avoir un impact sur la santé humaine", ont-ils indiqué.