Source : interview du Pr Roger Dachez, octobre 2008 – Etude Goldie

Directeur du département de pathologie du Laboratoire Biomnis (Paris), le Pr Roger Dachez travaille depuis plus de 20 sur la prévention et le dépistage du cancer du col de l'utérus.

Pour ce spécialiste, « d'ici trente ou quarante ans, ce cancer sera quasiment éradiqué » dans un pays comme la France. Et cela, grâce à la poursuite du dépistage par frottis associé à la vaccination des jeunes femmes. Explications.

Chaque année en France, plus de 3 000 femmes (3 387 en 2000 et 3 068 en 2005) contractent un cancer du col utérin. Et un millier perdent la vie. Dans plus de 99% des cas, elles ont été infectées par un papillomavirus humain (HPV). Cette famille de virus, qui a valu le Prix Nobel de Médecine 2008 à l'Allemand Harald zur Hausen, compte pas moins de 120 sérotypes. Certains (les HPV de bas risque, 6 et 11 notamment) sont responsables de lésions très contagieuses mais bénignes, les condylomes acuminés.

En revanche, une quinzaine d'HPV ont été identifiés comme oncogènes, c'est-à-dire susceptibles de provoquer des cancers. Transmis par voie sexuelle ou par attouchements, ils ciblent les muqueuses ano-génitales et sont retrouvés dans 99,7% des cas de cancer du col de l'utérus. A eux quatre, les HPV 16, 18, 31 et 45 provoquent plus de 80% des cas. Mais les plus fréquents sont les types 16 et 18, retrouvés dans 73% des cancers utérins.

Comme le souligne le Pr Roger Dachez, « environ 70% des femmes contracteront, même de manière temporaire, un HPV. La plupart ne le sauront jamais : 90% de ces virus sont éliminés dans les 3 ans. Ce n'est pas dramatique en soi d'avoir un HPV. Ce qui est grave, c'est d'en avoir un et de l'ignorer ». En échappant par exemple au dépistage par frottis, qui doit être réalisé tous les 3 ans entre 25 et 65 ans.

Des vaccins prophylactiques

Chez une femme infectée sur dix en effet, le virus va déclencher une lésion précancéreuse. Celle-ci va évoluer très lentement, sur 10 à 15 ans. « Le cancer du col est toujours la conséquence, rare et tardive, d'une infection très fréquente », insiste le Pr Dachez. Le principe du dépistage, c'est justement de reconnaître la maladie à ce stade « alors qu'elle est encore curable à 100%. D'une manière générale, une lésion précancéreuse ou un cancer du col est toujours un échec du dépistage ».

Aujourd'hui, l'introduction de deux vaccins prophylactiques offre une opportunité majeure de se protéger contre le deuxième cancer féminin en termes de fréquences (plus de 500 000 cas par an dans le monde). « Les deux vaccins disponibles ont une composition différente » explique Roger Dachez. Gardasil (Sanofi Pasteur MSD) protège contre les virus HPV 6, 11, 16 et 18. Avec Cervarix, le laboratoire GSK cible exclusivement la prévention du cancer du col, en retenant les deux souches HPV 16 et 18, seules des quatre à être oncogènes ». Cervarix qui vient de prouver son efficacité et sa tolérance sur près de 6,5 ans, renferme également un adjuvant spécifique appelé ASO4. « Très puissant, il permet d'améliorer la réponse immunitaire ».

Mais le Pr Dachez insiste : « ces deux vaccins sont prophylactiques ». Autrement dit, ils ne traitent pas l'infection. Ils la préviennent. Par ailleurs, ils protègent contre les souches à l'origine de seulement 73% des cancer du col utérin. Voilà pourquoi le dépistage par frottis doit être poursuivi. « A terme, nous pouvons effectivement penser que si toute une population est bien dépistée et correctement vaccinée, nous n'aurons quasiment plus de cancer du col de l'utérus ».