Jeudi 27 novembre, 16h44

Une des raisons pour lesquelles la mémoire flanche davantage avec l'âge est qu'en vieillissant on se laisse plus facilement distraire, suggère une étude publiée dans la revue scientifique américaine "Journal of Neuroscience".

L'étude a porté sur la reconnaissance de visages, mais ses enseignements s'appliquent plus largement à la mémorisation de ce qui est vu ou entendu, souligne son principal auteur, Dale Stevens, de l'université de Harvard. Il a mené les travaux à l'Institut de recherche Rotman à Baycrest, un établissement affilié à l'université de Toronto.

Les seniors qui veulent mémoriser quelque chose doivent faire le maximum pour se concentrer sur leur tâche et éviter tout ce qui pourrait les distraire, conseille-t-il.

L'étude a comparé un groupe de dix sexagénaires et septuagénaires en bonne santé à une dizaine de jeunes volontaires entre 22 et 36 ans. Le cerveau des sujets a été scanné alors qu'ils regardaient des photographies d'inconnus. Alors que chaque cliché leur était montré pendant une seconde, ils devaient dire s'ils avaient déjà vu ce visage.

Au total, ils en ont vu 180 différents, dont 120 leur ont été présentés deux fois. Les participants âgés n'ont pas réussi à reconnaître une tête déjà vue dans 43% des cas, alors que ce taux n'était que de 26% chez les sujets jeunes.

A l'aide des images du scanner, les chercheurs ont examiné ce qui se passait dans le cerveau des "cobayes" lorsqu'ils voyaient pour la première fois un visage qu'ils ne parvenaient pas ensuite à reconnaître. Dans les deux groupes, une zone du cerveau appelée l'hippocampe, impliquée dans la mémoire, était moins active dans ce cas de figure. Un constat qui n'a rien de surprenant.

Plus intéressant en revanche est le fait que chez les sujets âgés, certaines zones du cerveau présentaient une activité accrue alors que cela n'était pas le cas chez les jeunes. Parmi ces zones figuraient le cortex auditif, qui intervient dans l'analyse des sons, et plusieurs autres impliquées dans la concentration, souligne M. Stevens.

Que s'est-il donc passé? Le scanner était bruyant, produisant des "toc!toc!", des bourdonnements et des sons semblables à celui d'un marteau-piqueur. Même avec les bouchons d'oreille que portaient les volontaires, "c'est un peu perturbant", souligne M. Stevens. L'activité cérébrale des sujets âgés montre donc qu'ils ont été plus distraits que les jeunes par les bruits et révèle les circuits cérébraux impliqués, soulignent les chercheurs.

L'étude ne précise pas à partir de quel âge ce phénomène se produit. Mais un de ses auteurs, Cheryl Grady, de l'Institut Rotman, pense qu'il pourrait commencer entre 40 et 60 ans.

Le Dr. Barry Gordon, professeur de neurobiologie et expert de la mémoire auprès de l'institut médical Johns Hopkins à Baltimore, estime que l'étude, à laquelle il n'a pas participé, constitue "une avancée appréciable". Une étape ultérieure serait selon lui de déterminer si les seniors obtiennent de meilleurs résultats à un test de mémoire, s'ils ont été sensibilisés au préalable à ce problème de concentration.

Dans tous les cas, ajoute-t-il, "si on veut se souvenir de quelque chose, il est plus important quand on est âgé que lorsqu'on est jeune de ne pas écouter son baladeur en même temps". AP