Source: BE Etats-Unis numéro 144 (1/12/2008) - Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT -

Selon une étude menée par l'université de Chicago, l'acidification de l'océan serait bien plus rapide que ne le prédisent les modélisations informatiques. Ces résultats sont importants étant donné le rôle majeur de l'océan dans le cycle du carbone. Actuellement, l'océan absorbe chaque année un tiers du dioxyde de carbone atmosphérique d'origine anthropique. Or, cet équilibre pourrait être perturbé suite à un changement trop radical du pH de la couche superficielle de l'océan.

Au niveau de l'interface air-océan, le dioxyde de carbone est dissous dans l'eau de mer pour former de l'acide carbonique. L'acidification de la couche superficielle de l'océan dépend de la quantité d'acide carbonique, soit de la quantité de dioxyde de carbone atmosphérique dissoute dans l'océan. Plus la concentration de dioxyde de carbone atmosphérique est élevée, plus la quantité diluée dans l'océan est importante et plus l'acidification de l'océan sera prononcée.

Le professeur Timothy Wootton, biologiste à l'université de Chicago a étudié l'acidité, la température et la salinité de l'océan Pacifique ces 8 dernières années. 24 519 mesures de pH ont été réalisées autour de l'île Tatoosh, située dans l'océan Pacifique, non loin du littoral de l'état de Washington. Les résultats de cette étude détaillée, première en son genre, ont été communiqués lundi 24 Novembre 2008. L'intégralité de l'étude intitulée "Dynamic Patterns and Ecological Impacts of Declining Ocean pH in a High-Resolution Multi-Year Dataset," sera publiée prochainement par la National Academy of Sciences. Actuellement, les résultats diffusés mettent en évidence une baisse du pH de 0.36, soit 10 fois plus que les valeurs calculées par les modélisations.

En effet, ces résultats expérimentaux ont été comparés à ceux de modélisations parus en 2005 dans un article de Nature. Cet article compare 13 modèles informatiques ayant pour but de retranscrire l'équilibre chimique de la couche superficielle de l'océan dans le cas d'un scenario "business as usual". Globalement, ces modèles mettent en évidence une variation de pH significative d'ici 2050, soit sur une échelle de temps bien plus grande que celle mise en évidence par les travaux de Wootton.

L'acidification de l'océan peut avoir d'importantes répercussions sur l'équilibre écologique de la couche superficielle de l'océan. Par exemple, plusieurs organismes marins, formés de carbonates de calcium (plancton, coraux, mollusques...) pourraient voir leurs squelettes se dissoudre. Cette étude a ainsi mis en évidence un déclin du nombre de moules et de bernacles dans les zones océanographiques où le pH avait diminué rapidement. Une acidification croissante de l'océan pourrait alors empêcher certaines espèces d'exister favorisant ainsi la prolifération d'autres organismes (algues, méduses...). Le phytoplancton, à la base de la chaîne alimentaire marine, serait le premier touché par un changement du pH. Ces espèces sont de plus responsables du piégeage d'importantes quantités de carbone. En effet, une fois mort, les squelettes en carbonates de calcium de ces organismes se déposent sur le plancher océanique pour former des roches sédimentaires.

Si ces résultats ne concernent que les milieux côtiers de l'océan Pacifique et nécessitent des études complémentaires sur l'ensemble du globe, ceux-ci mettent néanmoins en évidence une vitesse d'acidification de l'océan élevée et laisse présager des impacts importants sur l'équilibre écologique océanique. Par ailleurs, étant donné l'augmentation continue des gaz à effet de serre, ces résultats préliminaires soulignent l'importance d'approfondir les recherches menées dans ce domaine afin de comprendre avec précisions les réactions impliquées dans l'acidification de l'océan.