Samedi 6 décembre, 19h57

Réduire les troubles obsessionnels compulsif (TOC) les plus graves par un traitement "psychochirurgical" ? C'est désormais possible, vient d'annoncer un groupe de médecins et de chercheurs coordonné par le docteur Luc Mallet (Inserm, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris). Au terme d'un essai clinique sans précédent, mené dans dix services hospitalo-universitaires français de neurochirurgie, cette équipe a publié, le 13 novembre, dans le New England Journal of Medicine, les résultats spectaculaires induits par des stimulations intracérébrales profondes.

Cette technique a déjà démontré son efficacité dans certaines formes de la maladie de Parkinson. Après les recherches novatrices menées dans ce domaine par le professeur Alim-Louis Benabid (Inserm, CHU de Grenoble), la France apparaît particulièrement bien placée dans ce nouveau champ de la compétition médicale et scientifique.

En 2002, le Comité national d'éthique français avait donné un accord de principe pour que cette technique expérimentale soit appliquée à des personnes souffrant de TOC résistant à toutes les thérapies comportementales ou médicamenteuses. Cette pathologie psychiatrique, qui concerne environ 2 % de la population, se caractérise notamment par une série d'obsessions permanentes concernant, par exemple, la propreté, l'ordre, ou la symétrie. Les personnes concernées ne peuvent vivre sans effectuer une série de rituels (de rangement, de lavage ou de vérification) qui, dans les cas les plus graves, les occupent chaque jour durant plusieurs heures.

Cet essai avait au départ été motivé par des observations cliniques fortuites : des patients souffrant de la maladie de Parkinson soignés par stimulation intracérébrale avaient indiqué avoir observé une réduction de leurs TOC. Des résultats obtenus à partir de la destruction de certains segments des circuits cérébraux dits "striato-pallido-thalamo-corticaux" ont aussi contribué à la décision de proposer cette approche thérapeutique à 16 malades.

CES RESULTATS NE PERMETTENT PAS DE FAIRE L'ECONOMIE D'UN SUIVI PSYCHIATRIQUE

En pratique, les chercheurs ont implanté par voie chirurgicale une électrode au sein de chaque "noyau subthalamique". Ces électrodes sont reliées à un stimulateur - une forme de pacemaker - placé sous la peau au niveau thoracique ou abdominal, qui permet de moduler le signal électrique pour obtenir la meilleure réponse thérareutique possible. A la différence des approches neurochirurgicales visant à détruire certaines cibles cérébrales - et à la lobotomie, aujourd'hui interdite -, cette forme de stimulation est réversible.

"Après la chirurgie et au terme de trois mois de stimulation active, 7 patients sur 10 ont montré une amélioration de leur état : plus de 25 % de leurs symptômes ont disparu, précise le docteur Mallet. L'évaluation de l'efficacité du traitement a porté également sur la capacité du patient à retrouver une vie de famille, à tisser de nouveaux liens sociaux ou à reprendre une activité professionnelle."

Les auteurs de ce travail soulignent prudemment que ces résultats nécessitent encore quelques ajustements. Il leur faut notamment améliorer la finesse des paramètres de stimulation et continuer à acquérir une connaissance très fine de la cartographie des régions cérébrales concernées. En toute hypothèse, ces résultats ne permettent pas de faire l'économie d'un suivi psychiatrique et psychologique des malades.

"Ces résultats fournissent de nouvelles et solides données laissant penser que les personnes souffrant des formes les plus graves de TOC pourront bientôt être prises en charge en routine, comme dans le cas de la maladie de Parkinson, des tremblements essentiels ou de la dystonie", explique le professeur Benabid, aujourd'hui conseiller de la recherche et de la technologie du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). D'autres indications sont d'ores et déjà très sérieusement à l'étude, en France ou à l'étranger. "Il s'agit notamment des tableaux dépressifs sévères ou de formes rebelles d'épilepsie, précise M. Benabid. Cela concerne aussi des crises hautement douloureuses dites de "migraines en grappe", qui affectent de manière récurrente des personnes présentant alors des déformations du visage."

La stimulation cérébrale profonde pourrait aussi s'attaquer, sur la base de résultats expérimentaux obtenus sur des rongeurs et des singes, à des pathologies contemporaines répandues telles que la boulimie et l'anorexie. Les résultats de travaux chinois, plus ou moins respectueux des règles éthiques occidentales, concernant le traitement de formes sévères d'addiction, commencent même à circuler dans les cénacles des spécialistes.

En France, des essais pourraient bientôt être lancés chez des personnes souffrant de formes débutantes de la maladie d'Alzheimer pour obtenir une prévention de la perte des fonctions mnésiques. Si les résultats se révèlent positifs, la question sera pleinement ouverte de savoir si la même technique permettra non pas de corriger les anomalies, mais bien d'améliorer les performances de la mémoire humaine.