Source: CNRS

Des chercheurs du CNRS proposent une idée étonnante: la sexualité aurait trouvé son origine dans une stratégie de lutte d'un micro-organisme marin contre une menace biologique.

Et si la sexualité était apparue à la suite d'une guerre dans les océans ? C'est l'étonnante hypothèse des chercheurs du laboratoire "Adaptation et diversité en milieu marin", à Roscoff. En se penchant sur la vie d'Emiliania huxleyi, un organisme marin unicellulaire, Colomban de Vargas et ses collègues de l'équipe "Évolution du plancton et paléocéans" ont fait une curieuse découverte: lorsqu'elle est attaquée par un virus, la bestiole change littéralement de corps et devient ainsi totalement invisible à son ennemi.

Quel rapport avec la sexualité ? Eh bien, la transformation la fait passer d'un stade dit diploïde, c'est-à-dire avec deux lots de chromosomes, comme la grande majorité de nos cellules, à un stade haploïde, avec un seul lot de chromosomes. Tout comme nos spermatozoïdes et nos ovules, issus du passage de cellules diploïdes à un stade haploïde, et qui fusionnent ensuite pour donner un nouvel être humain formé à nouveau de cellules diploïdes.

Les biologistes sont parvenus à cette thèse un peu accidentellement. "À l'origine, nous nous intéressions à Emiliana huxleyi, dont l'ancêtre serait apparu dans les océans il y a environ un milliard d'années, pour mieux comprendre sa physiologie, raconte Colomban de Vargas. Mais un jour, un de nos étudiants en thèse, Miguel Frada, a noté la présence de cellules nageant – un peu comme les spermatozoïdes – dans le milieu de culture." En y regardant de plus près, les chercheurs ont noté avec surprise que ces cellules inédites possédaient exactement les mêmes gènes que la forme classique du micro-organisme, mais en un seul lot et non en deux. Par ailleurs, ils ont observé la présence de virus EhVs (pour Emiliania huxleyi Viruses), réputés pour décimer les populations gigantesques d'Emiliania huxleyi, des masses laiteuses visibles depuis l'espace. Un lien de cause à effet ? Oui: les tests effectués par Miguel Frada montrent clairement que les virus déciment les cellules diploïdes tout en forçant leur transformation en cellules haploïdes. "Alors totalement invisibles aux virus – car elles présentent une surface impénétrable –, ces cellules permettraient à l'espèce de vivre en paix en attendant la dilution des virus par les courants océaniques", détaille Colomban de Vargas.

D'un point de vue évolutif, cette parade, d'où serait issue la sexualité, aurait permis aux premiers êtres vivants d'échapper à une lutte perpétuelle avec les virus et de pouvoir, ainsi, évoluer en des organismes plus complexes et performants, formés de plusieurs cellules. Et les chercheurs de la baptiser "stratégie du chat du Cheshire", du nom du célèbre chat d'Alice au pays des merveilles, capable de disparaître à volonté pour échapper à l'ordre de décapitation de la Reine de coeur.