Mercredi 7 janvier, 20h56

Premier exportateur d'électricité en Europe, la France doit cependant acheter des électrons à ses voisins européens pendant les périodes de grand froid, le parc nucléaire étant mal adapté pour faire face à ces pics de consommation.

Depuis 2001, la France importe de plus en plus d'électricité. Jusqu'en 2004, ce n'était le cas que quelques jours par an, mais le phénomène s'est fortement accéléré.

Ainsi en 2007, la France a été importatrice d'électricité pendant 20 jours. De janvier à octobre 2008, pendant six jours.

Un constat paradoxal car la France est, en moyenne annuelle, le premier exportateur européen d'électricité grâce à son parc de 58 réacteurs nucléaires, le plus important du monde après les Etats-Unis.

En 2007, les exportations nettes de la France se sont élevées à 55,5 terawattheure (TWh), soit 12% de sa consommation annuelle, destinés principalement à l'Italie, la Suisse, la Belgique, l'Espagne ou la Grande-Bretagne.

En cas de grand froid, la logique s'inverse en raison des bonds réalisés par la consommation française, très sensible aux baisses de température.

Cette situation est notamment due au fort équipement des Français en chauffage électrique. Développé en même temps que le parc nucléaire français, ce mode de chauffage consomme désormais 7% de l'électricité hexagonale.

"Le système nucléaire et les surcapacités électriques qu'il a engendrées ont conduit à une perversion: on a développé le chauffage électrique parce qu'EDF avait des kilowattheure à vendre", remarque Frédéric Marillier de Greenpeace France.

Or, "cette situation conduit à une augmentation du recours aux combustibles fossiles en période de pics", dénonce-t-il.

Les centrales nucléaires, qui produisent 78% de l'électricité française, sont en effet des moyens de production dits "de base", destinés à répondre à la demande au cours des périodes de consommation moyenne.

S'il fait très froid, EDF fait appel à des unités de production plus facilement modulables, des centrales au fioul, au gaz et au charbon. Certaines unités de production, comme les turbines à combustion, peuvent ainsi être déclenchées et lancées à plein régime en une vingtaine de minutes.

Inconvénient, elles sont plus coûteuses et émettent beaucoup de gaz à effet de serre.

Idem pour les importations. La France achète, principalement en Allemagne, de l'électricité chère et fortement émettrice de CO2, car produite principalement à partir du charbon.

En outre, "devoir importer en hiver pendant les jours de grand froid est risqué car on ne peut pas être pas sûr que nos voisins aient la capacité de production nécessaire", remarque Colette Lewiner, analyste chez Capgemini.

Selon Mme Lewiner, la France n'a pas procédé aux investissements nécessaires pour développer ses moyens de production et en paye maintenant le prix.

"C'est un paradoxe que la France se trouve dans une situation aussi tendue alors qu'on a toutes les compétences en matière électrique", remarque-t-elle.

Mais, "il y a quelques années, on se plaignait du fait que la France était en surcapacité", remarque de son côté Robert Durdilly, président de l'Union française de l'électricité.

Selon l'UFE, la meilleure solution est "d'encourager les économies de consommation en période de pointe".

Un souci partagé par Greenpeace pour qui la France doit renoncer à son projet de construire un deuxième réacteur nucléaire de 3e génération et "investir les 4 milliards nécessaires à sa construction dans des dispositifs d'économies d'énergie (isolation de l'habitat) et dans le développement des renouvelables".