Mercredi 21 janvier, 19h12 - Lauran Neergaard

Un laser de faible intensité utilisé par la NASA aiderait les médecins à améliorer le diagnostic de la cataracte, l'opacité du cristallin qui conduit à la cécité. Découvert empiriquement, ce test non invasif permet en effet de savoir à quel moment les yeux perdent le mélange naturel qui évite la survenue de ce trouble oculaire.

Cette technique est déjà perçue comme un espoir par les spécialistes qui combattent la première cause de cécité dans le monde. Ces derniers rappellent au passage que les yeux sont fragiles et qu'il est préférable de poser définitivement sa cigarette, de porter des lunettes de soleil et d'améliorer sa façon de manger.

Concrètement, l'appareil permet de déterminer si certains médicaments peuvent prévenir ou ralentir la formation de cataracte. Des études incluant des astronautes, que les vols dans l'espace exposent à un risque extrême, pourraient démarrer dans l'année.

Pour l'heure, le gouvernement américain ne dispose que de quelques prototypes et aucun fabricant n'est en liste. Seuls les médecins de l'université Johns Hopkins de Baltimore ont déjà commencé à l'utiliser de façon expérimentale.

"C'est comme une alarme précoce", explique le Dr Manuel Datiles, de l'Institut national de l'oeil, qui a conduit une étude auprès de 235 personnes.

Tout a commencé quand le physicien Rafat Ansari de la NASA a pu mettre au point un laser de faible intensité destiné aux astronautes en contact avec des cristaux de l'espace. Il s'est vraiment intéressé au problème lorsque son père a développé une cataracte, maladie de l'oeil dans laquelle le cristallin s'opacifie et ne peut être remplacé que chirurgicalement.

Surpris du manque de possibilités médicales offertes, Ansari s'est mis à étudier des cataractes jusqu'à découvrir que le cristallin est en grande partie formé de protéines et d'eau. L'une de ces protéines, la protéine alpha-crystalline, est indispensable au maintien de sa transparence. Quand d'autres protéines sont abîmées par les rayons UV, la cigarette ou l'âge, l'alpha-crystalline s'en saisit littéralement avant qu'elles ne puissent se coller les unes aux autres et ne bouche le cristallin.

Chacun naît avec une certaine quantité d'alpha-crystalline. Une fois la réserve partie, la cataracte peut se former.

Pour monter son expérience, Ansari a acheté des yeux de veau dans un abattoir et demandé à sa fille, alors adolescente, aujourd'hui médecin, de disséquer les cristallins avant de les mettre à refroidir au réfrigérateur.

Quand il les a réchauffés et fait marcher son laser, le faisceau lumineux a différé en fonction du changement d'opacité des cristallins. Il a alors demandé à des ophtalmologistes si la technique pouvait autoriser une mesure valable de la protéine alpha-crystalline. Cela a pris une décennie de tests en laboratoire, mais le résultat est là: sa machine permet cette mesure, le rayon lumineux visant le cristallin pendant 5 secondes, puis calculant la lumière diffusée.

L'étude, qui a concerné 235 personnes âgées de 7 à 86 ans, est publiée dans le dernier numéro des archives américaines d'ophtalmologie. La protéine alpha-crystalline décroit progressivement quand les cristallins commencent à s'embuer et quand les personnes aux cristallins apparemment clairs prennent de l'âge.

Prochaine étape? Les chercheurs de la NASA et des Institut nationaux de santé (NIH) envisagent séparément d'étudier si certaines formes d'antioxydants -nutriments qui combattent certaines lésions tissulaires liées à l'âge- peuvent ralentir la perte d'alpha-crystalline.

Le Dr Datiles a déjà utilisé le test pour diagnostiquer des cataractes débutantes chez des patients qui ne s'expliquaient pas la baisse de leur vue. D'autres chercheurs testent l'appareil chez des patients opérés sans succès par laser pour leur myopie. AP