Rédigée par Nil Sanyas, le mercredi 21 janvier 2009 à 10h39 - Source de l'INformation : TorrentFreak

Les études sur le piratage, peu importe leur provenance et leur finalité, sont pour la plupart décriées. Il y a celles qui concluent que ceux qui téléchargent sur P2P (ou ailleurs) n'achètent plus. D'autres, plus neutres, remarquent que certains Internautes augmentent leurs consommations de musique et compensent la baisse de consommation des autres. Enfin, on retrouve les enquêtes ultra-positives, notamment celles expliquant qu'Internet permet de découvrir des artistes, et si cela ne se reflète pas forcément dans les ventes de CD, les salles de concert en profitent par contre pleinement. La dernière étude (de 142 pages) du cabinet néerlandais TNO et commandée par le gouvernement des Pays-Bas fait partie de cette catégorie.

100 millions d'euros de bénéfice pour les Pays-Bas
Quelles sont les conséquences du téléchargement "illégal" sur les marchés de la musique, du jeu vidéo et du cinéma ? À cette question, l'étude estime que d'un point de vue global, « les effets économiques du partage de fichiers sur le marché néerlandais sont très positifs à court et à long terme ».

Chiffrant les effets positifs de l'ordre de 100 millions d'euros par an sur l'économie nationale, l'étude de TNO, qui estime que les industries concernées souffrent bel et bien du téléchargement, explique cependant pourquoi elle arrive à une telle conclusion.

Les cinq millions de téléchargeurs néerlandais (soit 30 % de la population totale), grâce à un accès énorme aux biens culturels, augmentent ainsi fortement leur bien-être. Et si les artistes très connus sont directement touchés par le téléchargement, les artistes n'ayant aucune visibilité (radio, télévision, etc.) profitent au contraire d'Internet pour augmenter leurs ventes.

L'étude, confirmant d'autres études auparavant publiées, constate, qui plus est, que ceux qui téléchargent n'achètent pas moins que les personnes qui ne téléchargent pas. Mieux encore, les téléchargeurs se rendent plus souvent à des concerts. L'étude va même plus loin en affirmant que les téléchargeurs des jeux sont de plus gros consommateurs (de jeux) que ceux qui ne téléchargent strictement rien.

La France, l'autre pays du piratage
En France, la situation est bien différente. Alors que les Internautes français sont accusés de télécharger plus de 164 millions de films chaque année (soit 450 000 films par jour), Christine Albanel, que l'on ne présente plus, estimait lors d'un discours au Sénat en novembre dernier que les Français sont les plus grands pirates du monde. Voire de l'univers intergalactique.

« Le piratage des œuvres sur Internet, commis sur une très grande échelle dans notre pays, qui détient une sorte de record mondial puisqu'un milliard de fichiers ont en effet été piratés en France en 2006. Ce véritable désastre économique et industriel auquel nous assistons se traduit également sur le terrain du renouvellement et de la diversité de la création. »

Avant la future mise en place de la loi Création et Internet (Hadopi) et de sa fameuse riposte graduée, le gouvernement français s'est fait aussi remettre un rapport sur « l'impact économique de la copie illégale des biens numérisés en France ». Les conclusions étaient particulièrement différentes de celles du néerlandais TNO.

« L'empreinte économique en France de la copie illégale peut être estimée à une perte de 10 000 emplois » estimait ainsi le rapport français réalisé par le cabinet Tera Consultants et la société spécialisée dans le conseil stratégique en marketing et communication, Equancy&Co.

1,35 milliard d'euros de manque à gagner pour la France ?
Chiffrant un manque à gagner de plus de 600 millions d'euros pour l'industrie du cinéma (et 2400 emplois menacés) et 369 millions d'euros de manque à gagner pour l'industrie de la musique (et 1600 emplois menacés), l'étude précisait même l'impact négatif sur le marché de la télévision et du livre, avec respectivement 234 et 147 millions de manque à gagner, et 1700 emplois menacés en tout.

« Le processus naturel de "destruction-créatrice", par lequel Schumpeter qualifiait les périodes de grande mue lors de révolutions technologiques, est entravé : des activités sont détruites ou s'érodent, sans que d'autres s'y substituent. En s'immisçant dans la révolution technologique, la copie illégale crée ainsi du chaos économique, retardant l'émergence de la phase de croissance qui devrait succéder à la fin des modèles basés sur les technologies anciennes. C'est plutôt une forme de "destruction-destructrice" qui est aujourd'hui à l'œuvre » s'alarmaient ainsi les auteurs du rapport français.

Un rapport aux sources étonnantes !
Léger problème : les sources de ce rapport provenaient à 58 % des syndicats et des lobbies, à 16 % de l'industrie culturelle, et à 8 % par l'État. Seuls 3 % des données du rapport prenaient leurs sources d'études scientifiques, 5 % d'institut de sondages et 11 % de cabinets d'étude privés.

Comme le précisait le site ReadWriteWeb, le rapport ne prenait ainsi pas en compte l'immense marché des sonneries des téléphones portables, ni les nombreuses redevances (taxes) sur les CD/DVD vierges, les disques durs, etc.

« Augmentation des revenus du spectacle vivant ? Oublié. Part de marché sans cesse grandissante du jeu vidéo dans le budget culture des Français ? Oubliée. Chiffre d’affaires des réseaux sociaux en ligne orientés musique, tel que MySpace ? Oublié. Radios en ligne ? Oubliées. Auto-production d’un nombre grandissant d’artistes qui décident de voler de leurs propres ailes ? Oublié. Nouveaux réseaux de distribution alternatifs ? Oubliés. Et enfin, l’explosion du marché de l’occasion C2C sur le segment des produits culturels ? Oublié. »