Le fait d'avoir été exposé aux émissions dans l'air des usines d'incinération d'ordures ménagères dans les années 1970-80 a eu une influence sur la fréquence d'un certain nombre de cancers dans la décennie 90, notamment chez la femme, selon une étude de l'Institut de veille sanitaire (InVs), qui évoque des "relations significatives" entre ces deux éléments.

Cette étude portant sur environ 135.000 cas de cancers observés entre 1990-1999 "a mis en évidence des relations significatives" entre l'exposition aux émissions atmosphériques des usines d'incinération et l'incidence de plusieurs cancers, selon cette étude publiée mardi dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l'InVs. "Elle ne permet cependant pas d'établir un lien de causalité entre les deux", souligne-t-elle.

L'étude a été réalisée au cours de la décennie 1990 dans quatre départements (Haut-Rhin, Bas-Rhin, Isère et Tarn) regroupant au total 2,5 millions de personnes, et sur dix ans, soit un échantillon de 25 millions de personnes-années, selon Pascal Empereur-Bissonnet, un des co-auteurs, qui évoque "une puissance statistique importante". Sur ces dix ans, 135.567 cas de cancers ont été enregistrés.

Dans le détail, l'étude montre que les femmes très exposées aux fumées d'incinérateurs ont eu un risque supérieur de 6% de développer un cancer quel qu'il soit ("toutes localisations") par rapport aux femmes peu exposées. Le risque était supérieur de 9% lorsqu'il s'agit du cancer du sein.

Par ailleurs, hommes et femmes vivant à proximité de ces incinérateurs ont eu un excès de risque de 12% de développer des lymphomes malins non-hodgkiniens (LMNH, cancers du système lymphatique). Ce risque relatif supplémentaire grimpe à 18% chez les femmes.

Enfin, les hommes très exposés aux rejets d'incinérateurs dans les départements concernés ont eu 23% de risque supplémentaire de développer des myélomes multiples (cancers de la moelle osseuse).

"Il faut remarquer que trois de ces cinq risques significatifs concernent les femmes", explique Pascal Empereur-Bissonnet, joint au téléphone par l'Associated Press, qui souligne également l'importance du "temps de latence" -temps minimal séparant le début de l'exposition aux émanations et le diagnostic de cancer- et du renforcement de la réglementation entourant les incinérateurs depuis les années 1970.

"Il s'agit d'une étude qui regarde vers le passé. Du fait de la réglementation qui s'est beaucoup durcie fin 90-début 2000, les fumées rejetées aujourd'hui ne sont pas du tout les mêmes qu'à l'époque, donc on ne peut pas transposer ces résultats à l'époque actuelle", prévient-il. "En raison du temps de latence, si on veut une idée de l'influence des fumées actuelles, il faudrait attendre environ 2020, et les résultats seraient certainement moins significatifs". AP