Source: CNRS

A quelle distance suis-je du bout de la rue ? Cette route est-elle fortement en pente ? Ces questions font appel à notre perception de l'espace. Perception qui – cela a été maintes fois prouvé – peut être influencée par l'évaluation de nos propres forces: une personne âgée ou fatiguée estimera les distances plus longues et les pentes plus raides que quelqu'un de jeune et en pleine forme. Or, Michel Chambon, chercheur au Laboratoire de psychologie sociale et cognitive (Lapsco) , à Clermont-Ferrand, démontre aujourd'hui qu'il n'est pas nécessaire d'être âgé ou fatigué pour voir sa perception de l'espace altérée. En effet, les mêmes observations ont été faites avec de jeunes adultes en parfaite santé, mais à qui on venait juste d'évoquer, très subtilement, des personnes âgées.

Ce "mimétisme perceptif", comme il est appelé, a été démontré par le biais d'une expérience. Après avoir remis les mots d'une trentaine de phrases courtes dans l'ordre, des individus de 18 à 25 ans ont évalué la distance qui les séparait d'un cône de chantier et estimé la pente de plusieurs allées. Pour la moitié d'entre eux, chaque phrase comportait un mot associé aux personnes âgées (retraite, rides, etc.). Les résultats montrent que les participants ainsi "amorcés" ont jugé les pentes plus raides et les distances plus longues que les autres, sans se rendre compte qu'ils avaient été influencés. "Quand on leur a posé la question, ils ont déclaré en effet ne pas avoir imaginé un lien quelconque entre les deux études, ni même avoir reconnu le thème de la vieillesse, prouvant ainsi leur absence de conscience du phénomène."

Cette découverte s'ajoute à celle, plus ancienne, d'un autre mimétisme, cette fois comportemental. "Il a déjà été observé qu'après un exercice consistant à remettre dans l'ordre des phrases présentant des mots fortement reliés aux personnes âgées, des jeunes gens s'étaient révélés significativement plus lents dans leurs décisions comme dans leurs déplacements", explique Michel Chambon. Ils ont agi selon la manière supposée des membres d'une catégorie sociale, et ce de manière non consciente et non volontaire. En rapprochant notre vision du monde de celle des autres, de tels phénomènes mimétiques contribueraient à faciliter les interactions entre membres de différentes catégories sociales.