Jean-Yves Nau

On sait que l'incidence du cancer broncho-pulmonaire est généralement plus élevée au sein des classes sociales défavorisées. Ce phénomène est-il la conséquence d'une consommation plus grande de tabac ? C'est pour répondre à cette question qu'un groupe de vingt-trois centres de recherche dans neuf pays européens a mené une vaste enquête dont les résultats ont été rendus publics, mardi 24 février, sur le site du Journal of the National Cancer Institute.

Dirigé par le docteur Gwenn Menvielle (unité santé publique et épidémiologie des déterminants professionnels et sociaux de la santé, Inserm), ce travail a été mené auprès de 391 251 personnes. Ces dernières sont surveillées dans le cadre d'une étude prospective financée par l'Union européenne (UE) et qui vise notamment à étudier les liens entre cancer et nutrition.

Durant une période de huit ans et demi, un cancer du poumon a été diagnostiqué chez 939 hommes et 692 femmes. Au terme de l'analyse statistique de la somme des données disponibles, les chercheurs établissent qu'il existe une "forte association" entre le risque de cancer du poumon et le statut socio-économique défini selon le niveau d'études. Le risque de souffrir de cette maladie est environ 3,6 fois supérieur chez les hommes (2,4 fois chez les femmes) des classes sociales défavorisées par rapport aux classes sociales les plus favorisées.

La comparaison des résultats par zone géographique montre que les taux de ce cancer sont relativement uniformes en Europe chez les hommes, mais qu'ils sont, chez les femmes, deux fois plus élevés dans le nord que dans le sud de l'Europe (Italie, Espagne, Grèce). Les chercheurs confirment que les taux les plus élevés de cette affection cancéreuse sont observés au sein des classes sociales défavorisées, cette situation n'étant toutefois pas retrouvée dans le sud de l'Europe.

Dans toute l'Europe
Les liens entre consommation de tabac, inégalités sociales et survenue du cancer du poumon sont globalement similaires dans l'ensemble des régions de l'Europe et pour tous les types histologiques. Mais l'analyse statistique conclut aussi que les différents niveaux de consommation ne permettent d'expliquer qu'un peu plus de la moitié des différences sociales observées dans la survenue de ce cancer.

"Il est fort peu probable que nos observations soient le fait du hasard, explique le docteur Menvielle. Le risque plus élevé de cancers broncho-pulmonaires chez des personnes non-fumeuses appartenant à des populations socio-économiquement défavorisées nous laisse penser que d'autres facteurs sont en cause. On peut notamment évoquer le rôle des substances cancérogènes présentes dans certains milieux professionnels."

Ces résultats ne doivent pas, selon la chercheuse, faire oublier que l'arrêt de la consommation de tabac permet de réduire le risque d'apparition du cancer broncho-pulmonaire. Ils ne sauraient en rien justifier un relâchement de la lutte contre ce fléau qu'est le tabagisme.

Autre enseignement résultant de cette étude : les chercheurs n'ont pu mettre en évidence aucune contribution de la consommation quotidienne de fruits et de légumes aux inégalités de survenue du cancer du poumon observées au sein de la population étudiée.