Sans que l'on s'en rende compte, l'eau fait tourner l'économie. Elle est indispensable à la production agricole et à quasiment tous les secteurs industriels, du textile à la métallurgie. Pourtant, très peu d'entreprises se préoccupent des risques liés à sa raréfaction.

'C'est une ressource cruciale dont dépend notre prospérité future, bien plus que du pétrole', préviennent deux groupes de réflexion américains, le Pacific Institute et le Ceres, dans une étude publiée jeudi 26 février. Ces instituts promeuvent la protection des ressources naturelles et l'intégration des questions environnementales dans la stratégie des entreprises.

A l'échelle mondiale, le secteur industriel consomme 20 % des ressources, contre 70 % pour l'agriculture et 10 % pour l'approvisionnement en eau potable. 'Le changement climatique est de mieux en mieux pris en compte par le monde économique, écrivent les auteurs, mais l'attention se focalise sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), tandis que les conséquences sur la quantité et la qualité de l'eau disponible sont négligées.' Leur liste est pourtant longue.

La diminution des réserves d'eau douce stockée dans les glaciers et les neiges affectera l'approvisionnement en eau d'un sixième de la population mondiale, en particulier en Chine, en Inde, au Pakistan et aux Etats-Unis. Il entraînera des sécheresses plus longues, tandis que les besoins augmenteront du fait de températures plus élevées. Des inondations et la montée du niveau des océans affecteront les infrastructures et la qualité de l'eau. Sans oublier la croissance de la population mondiale, autre grand facteur de limitation de la ressource.

Les secteurs industriels les plus consommateurs sont les plus vulnérables : production d'énergie, industrie textile, électronique, agroalimentaire, industrie pharmaceutique et biotechnologies, production de pâte à papier, mines et métallurgie.

Ils courent plusieurs risques. Tout d'abord, le risque "physique". "Le déclin ou des ruptures dans l'alimentation peuvent compromettre la fabrication, le refroidissement ou le nettoyage des produits", écrivent les auteurs, citant l'exemple de l'industrie des semi-conducteurs, qui a besoin de quantités considérables d'eau purifiée, et dont l'essentiel de la production est situé en Asie, particulièrement menacée par le stress hydrique.

L'industrie textile est aussi très dépendante : il faut 25 m3 d'eau pour produire les 250 grammes de coton nécessaires à la fabrication d'un tee-shirt. Le refroidissement des centrales nucléaires et thermiques demande également de grandes quantités d'eau. Leur fonctionnement a déjà partiellement été interrompu, en France lors de la canicule de 2003, ou dans le sud-ouest des Etats-Unis en 2007, par manque d'eau.

L'étude identifie également un risque "de réputation". "La rareté accroît la compétition entre les utilisateurs, écrivent les auteurs. Les tensions peuvent se développer entre les entreprises et les communautés locales souvent privées d'accès à l'eau, en particulier dans les pays en développement." Une réalité susceptible d'affecter l'image des compagnies, voire de conduire à la perte de licences d'exploitation. Tel fut le cas pour PepsiCo et Coca-Cola en Inde, qui perdirent leur droit de mettre en bouteilles de l'eau provenant de nappes souterraines. Il existe enfin un risque "de régulation", selon les auteurs : "Les autorités seront amenées à modifier les droits d'usage de l'eau, à suspendre les prélèvements, à augmenter les prix." L'ensemble des secteurs est concerné. L'agriculture, qui consomme aujourd'hui l'essentiel des ressources, pour des prix très faibles, est la première visée.

Le rapport dresse une liste de recommandations et engage les entreprises à agir, en mesurant leur empreinte hydrique, sur toute la chaîne de production (y compris les produits agricoles pour les entreprises agroalimentaires), en évaluant toutes les économies possibles et en intégrant les risques liés à l'eau dans leur stratégie.

Le rapport est disponible (en anglais) sur www.pacinst.org