Source : CEA

Des chercheurs de l'Institut de biologie structurale Jean-Pierre Ebel (IBS, Institut mixte CEA-CNRS-Université Joseph Fourier, Grenoble) viennent de développer une nouvelle technique, basée sur la Résonance magnétique nucléaire (RMN), permettant de réduire considérablement le temps nécessaire pour sonder, au niveau atomique, des assemblages biomoléculaires de grandes tailles. Les temps d'analyse passent ainsi de plusieurs minutes à près d'une seconde ce qui ouvre un nouveau champ de recherche dans l'étude structurale de ces assemblages.

Elles devraient permettre d'observer en temps réel les changements structuraux et dynamiques au sein de nanomachines moléculaires (machines à l'échelle nanométrique -10-9 m-, composées de plusieurs molécules; ce sont des dispositifs à l'échelle moléculaire capables de manipuler les atomes et les molécules) lorsqu'elles exercent leur action. Ces résultats viennent d'être publiés en ligne par la revue Journal of the American Chemical Society.

L'étude fonctionnelle et structurale des nanomachines biologiques est une tâche difficile compte tenu de la dimension des objets étudiés, de leur flexibilité et de la complexité des substrats manipulés (protéines, peptides, ADN, ARN...). Elle nécessite la combinaison de la cristallographie aux rayons X et de méthodes à "basse" résolution telles que la microscopie électronique. Ces méthodes permettent difficilement d'obtenir des informations cinétiques pourtant nécessaires pour comprendre la dynamique fonctionnelle d'un système.

La spectroscopie RMN (phénomène par lequel un noyau de l'atome considéré absorbe les rayonnements électromagnétiques d'une fréquence spécifique en présence d'un fort champ magnétique; ses applications concernent la physique, la chimie, l'imagerie médicale et la biologie structurale; l'IBS est labellisé plateforme nationale et européenne d'accueil pour la RMN très haut champ) est la méthode de choix pour étudier, avec une résolution atomique, les propriétés structurales et dynamiques des macromolécules biologiques en solution. Récemment, le développement de techniques de marquages isotopiques spécifiques (avec marquage isotopique spécifique: pour observer par RMN de gros assemblages, il est nécessaire de substituer 100 % de l'atome naturel d'hydrogène par du deutérium et de réinsérer spécifiquement en quelques sites déterminés -exemple méthyles des alanines- l'atome naturel d'hydrogène, observable par RMN) a permis de repousser les frontières de cette méthode à l'analyse des assemblages biomoléculaires pouvant atteindre 1 méga Dalton (avec une assez bonne précision, masse d'un atome d'hydrogène; un acide aminé de protéine représente environ 110 Da, un assemblage de 1 méga Dalton contient environ 9000 acides aminés). L'utilisation de spectromètres RMN opérant à des champs magnétiques élevés a, de son côté, amélioré la résolution des observations. Cependant l'étude cinétique des modifications au sein de ces assemblages restait limitée par les temps de mesure (plusieurs minutes voire plusieurs heures) nécessaires pour repérer chaque groupe d'atomes par leurs signaux RMN spécifiques. Une autre technique nouvellement mise au point, la RMN rapide (nouvelle technique de RMN -appelée "SOFAST"- permettant d'enregistrer un spectre 2D en quelques secondes, développée à l'IBS), permet d'accélérer l'enregistrement des spectres RMN.

Pour la première fois, les chercheurs de l'IBS ont réussi à combiner ces trois techniques, et ainsi, à réduire à près d'une seconde le temps expérimental requis pour sonder par RMN des assemblages biomoléculaires de plusieurs centaines de kilo Dalton.

Cette nouvelle approche devrait permettre d'ouvrir l'accès à des informations cinétiques sur les mécanismes de repliement ou d'auto-organisation de ces assemblages biomoléculaires. De plus, elle constitue une avancée importante pour observer en temps réel le fonctionnement des nanomachines biologiques telles que les chaperonnes, protéasomes, peptidases ou moteurs moléculaires (d'une manière générale, un moteur moléculaire consomme de l'énergie -exemple hydrolyse d'ATP- pour effectuer un mouvement ou un travail; dans les cellules, les moteurs moléculaires sont des machines biomoléculaires essentielles pour la mobilité -contraction musculaire, flagelle...- et le transport -chromosomes, neurotransmetteurs, passage des membranes...-).