Des biologistes ont élucidé l'échec du dernier "candidat vaccin" contre le VIH, virus responsable du sida. Le détail de cette étude, et le point sur d'autres perspectives de vaccin, avec le Pr Luc Montagnier. Pourquoi le dernier vaccin expérimental contre le VIH, testé il y a plus d'un an, a-t-il échoué ? La réponse a enfin été donnée en novembre dans le Journal of Experimental Medicine par des chercheurs de l'Institut de génétique moléculaire de Montpellier (IGMM) (Institut CNRS / Universités Montpellier-I et II) et du Centre hospitalier universitaire vaudois à Lausanne. Rappel des faits: après de premiers bons résultats, le laboratoire américain Merck passe à la phase II (détermination de la dose optimale de la molécule testée et contrôle des effets secondaires) de l'essai clinique en testant son candidat vaccin sur 3 000 volontaires séronégatifs ayant un comportement à haut risque de contamination. Mais en septembre 2007, Merck désavoue son vaccin: non seulement il est inefficace, mais en plus il augmente le risque d'infection.

"Tout vient du fait que ce vaccin utilise comme vecteur une version atténuée d'un adénovirus de type 5, l'Ad-5, connu pour provoquer de banales infections respiratoires", explique aujourd'hui Éric Kremer, directeur de recherche Inserm et responsable de l'étude. "L'équipe de Merck y a inséré différents gènes du VIH. Ces derniers étaient chargés d'exprimer des antigènes (molécule, produite par un virus par exemple, cible des cellules immunitaires ) capables d'amorcer une réponse immunitaire “préventive” contre le VIH." Les cellules dendritiques, "sentinelles" du système immunitaire, devaient ensuite provoquer une prolifération de lymphocytes tueurs T CD4 et CD8, qui s'attaqueraient aux cellules infectées par le VIH. Mais ce mécanisme s'est enrayé chez certaines personnes. Leur point commun ? Avoir déjà rencontré le vecteur du vaccin, l'adénovirus 5, au cours d'une infection naturelle précédente, et présenter un taux sanguin d'anticorps (protéine du système immunitaire qui détecte et neutralise les antigènes) anti-Ad-5 parfois très élevé. Résultat: à peine introduit, le vecteur vaccinal fut logiquement "assailli" par ces anticorps.

"Comme ces derniers se lient rapidement au vaccin, nous avons déduit que les complexes ainsi formés interagissent avec les cellules dendritiques", précise Matthieu Perreau, co-auteur de l'étude, la première à prendre en compte ce phénomène. Finalement, les chercheurs ont montré in vitro que, au lieu d'activer les lymphocytes T CD4 qui devaient combattre le VIH, les complexes formés vont surtout activer les lymphocytes T CD4 dirigés contre le vecteur du vaccin: Ad-5 ! "Et l'on sait depuis longtemps que les lymphocytes T CD4 ainsi activés constituent justement une cible de choix pour le VIH." Pire: comme les muqueuses sont les "portes d'entrée" de l'adénovirus Ad-5, nos lymphocytes – devenus cibles – s'y seraient dirigés. Or les muqueuses sont aussi un lieu d'attaque de premier choix pour le VIH... D'où, au final, un risque d'infection augmenté. "Grâce à notre modèle, nous pourrions à l'avenir tester in vitro d'autres prototypes de vaccin afin de vérifier s'il n'y a pas un risque comparable", conclut Giuseppe Pantaleo, co-auteur de l'étude.