Une insomnie tenace, une apnée du sommeil ou encore des envies de dormir irrépressibles dans la journée: depuis quelques années, les différentes pathologies du sommeil sont explorées dans des centres spécialisés, une cinquantaine en France, au grand soulagement des patients qui bénéficient désormais de conseils et de traitements adaptés.

Un sommeil non récupérateur, un ronflement, une somnolence diurne, sont autant de symptômes fréquents qui peuvent témoigner d'un sommeil pathologique. "Nous voyons ici des patients adressés par leur médecin et tous ont droit à un bilan", résume le Pr Damien Léger, responsable du centre du sommeil de l'Hôtel-Dieu, à l'occasion de la 9e Journée nationale du sommeil qui se tient mercredi.

L'occasion pour le président du conseil scientifique de l'Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) de pointer le nombre insuffisant de ces centres qui font face à une demande croissante. "A l'Hôtel-Dieu, il faut compter près d'un an d'attente pour un rendez-vous, en dépit d'une fréquentation en augmentation de 10 à 15% chaque année", souligne-t-il.

De causes diverses, les pathologies du sommeil sont de gravité variable. Des outils simples tels que l'agenda du sommeil ou l'échelle de somnolence d'Epworth sont utiles au diagnostic et au suivi. La simple lecture d'un agenda, rempli quotidiennement par le patient sur une période de deux à trois semaines, par exemple, donne des indications très utiles sur son sommeil.

Plus objectif encore, l'actinométrie, un petit appareil de la taille d'une montre, porté au poignet jour et nuit, permet de repérer les horaires d'endormissement et de réveil, d'apprécier les siestes et les périodes de somnolence, tout comme les réveils pendant la nuit.

C'est ce qui a permis d'aider une jeune patiente qui se plaignait d'une insomnie depuis deux ans. "Elle ne pouvait pas se lever le matin, mais se sentait bien le soir et restait éveillée assez tard", résume le Pr Joël Paquereau, président de l'INSV. A quelques mois du baccalauréat, la jeune lycéenne craignait que sa fatigue ne la fasse échouer.

Tracés en main, les médecins ont pu constater que "cette patiente n'était pas insomniaque, mais en retard de phase", explique Joël Paquereau, par ailleurs responsable du centre du sommeil de Poitiers.

"Les jeunes adolescents se couchent de plus en plus tard", souligne-t-il. "Vers 14-15 ans, cette jeune fille s'est décalée en se couchant très tard". Aujourd'hui, "elle se plaint de l'augmentation du temps qu'elle met maintenant à s'endormir, après avoir essayé sans succès des hypnotiques". Traitée par la lumière (luminothérapie), elle a pu retrouver un rythme normal.

Examen plus poussé mais indolore, l'enregistrement du sommeil par la pose d'électrodes (polysomnographie) livre des informations précieuses sur "la durée et la qualité de son sommeil, les facteurs qui peuvent le perturber, notamment une apnée ou des mouvements périodiques des jambes", explique le Pr Léger. Autant de "données objectives de départ qui facilitent les orientations thérapeutiques", ajoute-t-il. Car les troubles du sommeil peuvent être liés à des pathologies organiques ignorées du patient.

Ainsi l'exemple de ce patient atteint de somnolence diurne excessive depuis sa jeunesse, "à un point tel qu'il s'endormait dans des mêlées de rugby", se souvient Joël Paquereau qui l'a reçu en consultation, alors qu'il était âgé de 50 ans et atteint d'obésité. "Au volant, cet artisan obèse et somnolent devait s'arrêter tous les quarts d'heure".

Sa prise en charge globale a permis de diagnostiquer un syndrome d'apnée du sommeil. "L'enregistrement de son sommeil en laboratoire a montré près de 100 arrêts respiratoires (apnées) par heure. Ce patient passait son temps à ne pas respirer".

Le traitement par pression positive continue, dont il a bénéficié, consiste à respirer dans un masque très souple, confortable, relié à une turbine qui pèse moins d'un kilo. L'air pressurisé sert de coussin d'air qui empêche la fermeture des voies aériennes pendant la nuit. L'homme s'est très rapidement senti mieux "dès le lendemain de la première nuit de traitement", affirme le Pr Paquereau. "Il ne s'arrêtait plus avec son véhicule et son entreprise est repartie".

En dix ans, la reconnaissance du sommeil et de ses troubles par les médecins et le grand public comme facteur de santé publique, s'est améliorée. "Il y a 25 ans, le sommeil bénéficiait d'une demi-heure d'enseignement durant le cursus médical", se souvient Damien Léger. "Aujourd'hui, cet enseignement est de douze heures. Mais nous ne sommes pas des mages", prévient-il. "On ne guérit pas souvent du jour au lendemain". AP