Source: Communiqué de presse de l’Université de Montréal

Peut-on améliorer la vue en modulant l'activité cérébrale ? Oui, répond Elvire Vaucher, de l’École d'optométrie de l’Université de Montréal, qui a récemment démontré que les neurones cholinergiques du cerveau jouent un rôle précis dans l'apprentissage et l'attention visuelle. «Ils ont notamment pour fonction d'accroitre l'intensité de la transmission nerveuse des neurones visuels», affirme la scientifique.

C'est du moins ce qu'elle a constaté au cours d'une expérience menée avec des rats dont les neurones cholinergiques avaient été lésés. «C'est clair, relate la chercheuse. Les images du cerveau en action obtenues par neuroanatomie fonctionnelle montrent une activité beaucoup moins intense des neurones du cortex visuel chez les rats qui avaient une insuffisance d'acétylcholine. En revanche, lorsqu'on administre des drogues qui miment le travail de l'acétylcholine, on augmente la réponse électrophysiologique de ces neurones. Cette amélioration dure plusieurs heures, ce qui représente la base neurobiologique de la mémoire des stimulus visuels dans le cortex.»

Poussant plus loin ses expériences, cette pionnière de la neurochimie du système visuel a effectué des tests de neuromodulation dans le cortex des rongeurs. Grâce à cette approche novatrice, elle a mis en évidence un lien fonctionnel entre l'acétylcholine corticale et l'apprentissage de tâches comme la «discrimination» fine entre deux stimulus visuels. Dans l'une des expériences qu'elle a conçue, un rat doit nager dans un bassin rempli d'eau et trouver une plateforme sur laquelle il peut se réfugier. Cette plateforme est associée à des stimulus visuels que l'animal apprend à reconnaitre. Le rat dont les neurones cholinergiques ont été endommagés réussit cette tâche, mais ne parvient qu'après moult efforts à retrouver la plateforme si l'on change les stimuli visuels. Quant au rat dont les neurones ne sont pas altérés, il retrouve avec beaucoup plus de facilité la plateforme associée aux nouveaux stimuli.

«Cela laisse entendre que les lésions cholinergiques n'ont pas influé sur l'acuité visuelle des rats, mais elles perturbent considérablement l'apprentissage visuel en réduisant la capacité de stocker de nouvelles informations», estime la Pr. Vaucher. Les résultats de sa recherche, réalisée en collaboration avec la technicienne de laboratoire Florence Dotigny et les étudiants Alexandre Yossef Ben Amor et Jun Il Kang, ont récemment fait l'objet d'une publication dans la revue Neuroscience.

Étudier les interactions neurochimiques...
Les neurones cholinergiques, dont la dégénérescence est à l'origine de la maladie d'Alzheimer, contribuent jusqu'à 80 % à la synthèse de l'acétylcholine corticale, souligne Elvire Vaucher. Ses travaux visent entre autres à mieux comprendre les interactions neurochimiques en cause dans les processus de la vision. «L'organisation cérébrale des voies visuelles est bien connue, mais pour l'instant les composés neurochimiques en jeu le sont moins», admet-elle. À son laboratoire de neurobiologie de la cognition visuelle, son équipe étudie tout particulièrement l'influence du système cholinergique sur l'attention et l'apprentissage visuel. «L'objectif ultime, déclare-t-elle, est d'explorer la possibilité d'accélérer le rétablissement des facultés visuelles à la suite d'un déficit partiel de la vision par des agents cholinergiques.» La découverte de la Pr. Vaucher pourrait avoir des retombées significatives dans le traitement des maladies oculaires comme la rétinopathie diabétique ou la dégénérescence maculaire liée à l'âge.

...et le contrôle du débit sanguin oculaire
Âgée de 39 ans, Elvire Vaucher n'en est pas à ses premiers travaux dans le domaine. Après un doctorat en neurosciences à l'Université Pierre et Marie Curie (Paris VI) sur le contrôle neurogène de la microcirculation cérébrale, elle a été engagée comme professeure en 2000 par l'École d'optométrie, où elle poursuit depuis ses travaux en neurobiologie de la vision.

Outre ses recherches sur l'incidence des neurones cholinergiques sur les processus de la vision, la chercheuse étudie la possibilité de prévenir les maladies oculaires par le contrôle du débit sanguin oculaire. Avec son équipe, elle a mis au point un modèle de mesure quantitative et régionale du débit sanguin rétinien «par cartographie autoradiographique et débitmétrie au laser par effet Doppler». «J'utilise ces techniques chez des rats atteints de diabète pour étudier les variations du débit sanguin de la rétine et les compenser par des traitements pharmacologiques», explique Mme Vaucher. Cet axe de recherche est réalisé en collaboration avec le Dr Réjean Couture, du Département de physiologie.