Source: CNRS

Pour les métaux comme dans la vie, l'individualisme l'emporte parfois sur la solidarité. Pour preuve, réduisez un métal en miettes et passez-le sous une presse: il vous faudra appliquer une force plus importante pour l'écraser que s'il était d'un seul tenant. Les métallurgistes ont fait une loi de ce phénomène, la loi Hall et Petch, qui exprime le fait que plus les grains métalliques sont petits, plus ils sont durs.

Mais si les chercheurs savaient l'expliquer pour des grains d'une taille supérieure ou égale au micromètre, ils ignoraient jusqu'à aujourd'hui les raisons du phénomène à des échelles inférieures. Désormais ils le savent: les responsables sont les dislocations, ces irrégularités de l'ordre cristallin qui truffent la plupart des métaux. L'énigme a été résolue par une équipe internationale, dont a fait partie Marc Legros, du Centre d'élaboration de matériaux et d'études structurales (Cemes) du CNRS, à Toulouse.

Le microscope électronique à transmission du Cemes permet de voir à travers les métaux tout en les déformant. Les chercheurs ont ainsi pu étirer un cristal d'aluminium plus de cent fois plus petit qu'un cheveu tout en observant en direct l'état du matériau. Ce faisant, ils ont constaté la présence dans l'aluminium de dislocations fortement courbées, beaucoup plus que dans des cristaux plus gros. Selon Marc Legros, la courbure des dislocations explique l'origine du "plus c'est petit, plus c'est dur": à la manière d'un arc, plus les dislocations sont courbes, plus il devient difficile de les plier. Mais pourquoi les dislocations sont-elles arrondies? Précisément à cause de la petite taille du cristal: elles réagissent à la réduction de la taille du cristal en se courbant comme un contorsionniste enfermé dans sa boîte.

Les chercheurs ont aussi montré que pour des petits cristaux, il ne sert à rien de pratiquer l'"écrouissage" cher aux forgerons: pour renforcer leurs métaux, ces derniers frappent les matériaux pour les larder de dislocations qui, en s'enchevêtrant, en augmentent la résistance. Or quand la traction qu'ils appliquaient sur l'échantillon a atteint une valeur seuil, les scientifiques ont constaté que les dislocations migraient vers les bords, où elles s'évanouissaient comme le pli d'un tapis disparaît si on le déplace jusqu'aux franges. L'information est importante quand on sait que certains métaux, notamment les aciers, sont fabriqués en agglomérant des poudres de petits cristaux. Les résultats obtenus sur l'aluminium pourraient aider les métallurgistes à mieux comprendre le comportement de leurs métaux, et en particulier à déterminer la taille optimale des cristaux élémentaires pour obtenir le métal le plus solide.