Le calcul mental active des aires cérébrales impliquées dans l’attention spatiale
Par Benje le vendredi, mai 15 2009, 06:17 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Nos capacités mathématiques s’appuient-elles sur des régions cérébrales liées à l’attention
spatiale? Cette question est soulevée dans une étude menée par des
chercheurs du CEA, de l’Inserm, de l’Inria, de l’Université Paris-Sud
au sein de l’unité Inserm/CEA "Neuroimagerie cognitive", à NeuroSpin.
Grâce à l’imagerie cérébrale par résonance magnétique à 3 Teslas de
NeuroSpin, ces équipes viennent de mettre en évidence un rapprochement
inattendu entre les représentations des nombres et celles de l’espace
dans le cerveau. Ces travaux, qui sont publiés dans Science Express, pourraient avoir des conséquences importantes pour l’enseignement de l’arithmétique.
Au sein de l’équipe de Stanislas Dehaene dans l’unité Inserm/CEA de
neuroimagerie cognitive à NeuroSpin, André Knops a enregistré
l’activité du cerveau au moyen d’un appareil d‘imagerie par résonance
magnétique (IRM) de 3 Teslas, alors que des adultes volontaires
effectuaient, soit des additions et des soustractions mentales, soit
des mouvements des yeux vers la droite ou vers la gauche de l’écran. Un
logiciel de traitement du signal a ensuite permis d’identifier des régions du cerveau impliquées dans
les mouvements des yeux, et d’en déduire un algorithme qui, à partir de
l’activité cérébrale, dévoile un aspect du comportement des sujets.
À partir des images IRM de haute résolution obtenues, les chercheurs
ont été en mesure de déduire, essai par essai, si la personne avait
orienté son regard vers la droite ou vers la gauche, avec un taux de
succès de 70 %. Plus surprenant, cette classification s’est étendue au
calcul mental: les chercheurs ont ainsi observé la même distinction
entre l’activité cérébrale évoquée pendant les mouvements à gauche ou à
droite et pendant les opérations de soustraction ou d’addition – que
ces opérations soient réalisées avec des ensembles concrets d’objets
(calcul non symbolique) ou avec des nombres symboliques (calcul
symbolique) présentés sous formes de chiffres arabes.
Ils en ont conclu que le calcul mental ressemblait à un déplacement
spatial. Par exemple, dans une certaine mesure, lorsqu’une personne qui
a appris à lire de gauche à droite, calcule 18 + 5, son attention se
déplace "vers la droite" de 18 à 23 dans l’espace des nombres, comme si
les nombres étaient représentés sur une ligne virtuelle.
En mettant en évidence l’interconnexion entre le
sens des nombres et celui de l’espace, ces résultats éclairent
l’organisation de l’arithmétique dans le cerveau. Ils sont compatibles
avec l’hypothèse, développée par Stanislas Dehaene, que les
apprentissages scolaires entraînent un recyclage neuronal de régions
cérébrales héritées de notre évolution et dédiées à des fonctions
proches.
Chez les enfants en difficultés, l’utilisation de jeux qui insistent
sur la correspondance entre les nombres et l’espace, tels que le jeu
des "petits chevaux", peut conduire à des améliorations prononcées des
compétences en mathématiques. Sur ce principe, un logiciel
ludo-pédagogique en libre accès, "La course aux nombres", a été développé par le même groupe afin de faciliter l’apprentissage de l’arithmétique.