S'inspirer des plantes pour mieux maîtriser nos flux d'énergie et de matière
Par Benje le dimanche, mai 31 2009, 20:55 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Les organismes vivants ont développé des systèmes de régulation de leurs voies métaboliques, qui leur sont nécessaires pour survivre.
Pourquoi ne pas s'inspirer de ces mécanismes afin d'améliorer notre
maîtrise des flux de matière et d'énergie ?
C'est dans cette optique que des chercheurs du CNRS, de l'INRA et du CEA (du laboratoire de physiologie cellulaire végétale -CNRS / CEA / Inra
/ Université de Grenoble 1- en collaboration avec le
Laboratoire "Bioénergétique et ingéniérie des protéines" -CNRS-) ont développé un modèle mathématique représentant les voies de biosynthèse des acides aminés (constituants de base des protéinesde l'ordre d'environ 100 picomètres -pm-)
chez la plante Arabidopsis. Ce modèle a permis de reproduire fidèlement
des mesures réalisées avec des plantes entières, démontrant ainsi son
exactitude. Des simulations ont alors permis de comprendre
qualitativement et quantitativement le fonctionnement d'un tel réseau de contrôle. Ces résultats viennent d'être publiés en ligne par la revue Molecular Systems Biology.
Imaginez qu'une usine fabrique simultanément, à partir d'un même stock de pièces détachées, plusieurs modèles de voiture à une vitesse de 20 000 voitures par seconde et qu'elle doive, de plus, adapter sa vitesse de production à un apport
de pièces détachées plus ou moins efficace ainsi qu'à une demande très
fluctuante des consommateurs. À ce rythme, plus d'un milliard de
voitures peuvent être fabriquées en une journée. On comprend aisément
qu'à cette vitesse, le moindre retard lors d'une étape puisse conduire
à un chaos indescriptible.
De tels flux sont caractéristiques des processus de synthèse des
petites molécules dans les organismes vivants (métabolisme). Ces
derniers ont en effet été capables, au cours de l'évolution, de
développer des systèmes de contrôle permettant de gérer leur production
de molécules, à des vitesses parfois encore 1 000 fois plus grandes.
Ces mécanismes de contrôle sont nécessaires pour éviter une rupture de
stock ou un engorgement qui ralentiraient la croissance de la plante,
ou tueraient les cellules, lors d'un changement dans leur
environnement. Par exemple, la lumière, source d'énergie pour les
plantes, peut augmenter brusquement après le passage d'un nuage ; un
coup de vent peut faire baisser la température d'une dizaine de degrés, divisant ainsi la vitesse de travail dans la cellule par deux.
Partant du principe que la nature, dans sa capacité à gérer des
systèmes complexes, était sans doute un bon exemple à suivre pour
améliorer notre maîtrise des flux de matière et d'énergie, les
chercheurs se sont fixés comme objectif de modéliser un système
métabolique comprenant de nombreuses bifurcations et un réseau dense de
contrôles (synergie, feedback, inhibitions, activation, doubles
contrôles). Ils se sont inspirés de modèles expérimentaux pour obtenir
les informations nécessaires à la mise en place du modèle mathématique:
- mesure de la vitesse à laquelle les "robots" (les enzymes -molécule, le plus souvent une protéine, permettant d'accélérer
jusqu'à des millions de fois les réactions chimiques du métabolisme-) transforment ou assemblent des pièces (les métabolites).
- mesure de la sensibilité de certains "robots" (les enzymes
allostériques) à différents signaux (selon les niveaux de certains
stocks, ces enzymes clé travailleront plus ou moins vite).
- comptage du nombre de robots impliqués à chaque étape grâce à des anticorps reconnaissant spécifiquement ces enzymes.
Chaque brique d'information n'est pas en elle-même porteuse de sens. Mais lorsque l'ensemble de ces nombres a été assemblé dans un modèle mathématique d'un niveau de complexité très élevé, il a été possible de simuler le comportement du système et
de reproduire des mesures réalisées avec des plantes entières.
Le modèle a également permis de reproduire quantitativement le
comportement de certaines plantes mutantes. Ces résultats validant le
modèle, des simulations, intégrant la modification de certains
paramètres, ont alors été réalisées et ont permis de comprendre
qualitativement et quantitativement le fonctionnement d'un tel réseau
de contrôle.
Ces problématiques de contrôle rencontrées dans les systèmes vivants se
rapprochent de celles rencontrées, par exemple, dans un réseau
électrique. Ainsi, le modèle mathématique mis au point pourrait
permettre d'améliorer l'efficacité de ce dernier. Les chercheurs
s'intéressent dorénavant à d'autres systèmes métaboliques qui
présentent une architecture de contrôle différente ainsi qu'à d'autres mécanismes de contrôle qui opèrent sur des gammes de temps plus lentes et qui ont pour fonction de contrôler le nombre d'enzymes.