Pourquoi le champ magnétique terrestre s'est-il inversé au cours de l'histoire de la Terre, pointant alternativement vers le nord ou le sud géographique ? Si l'on sait que l'explication réside dans les mouvements qui animent le noyau liquide de la Terre, les mécanismes en jeux restent mal compris. Dans une publication qui vient de paraître dans Physical Review Letters des chercheurs du Laboratoire de physique statique (ENS, CNRS) et de l'Institut de Physique du Globe de Paris (INSU-CNRS, Paris Diderot) proposent que les renversements se produisent lorsque des fluctuations brisent la symétrie de l'écoulement dans le noyau liquide et qu'un couplage fort entre deux modes du champ magnétique (dipolaire et quadripolaire) se produit.

Le champ magnétique, tel qu'on le mesure à la surface de la Terre, est un dipôle dont l'axe est proche de l'axe de rotation de la planète. Depuis les travaux précurseurs de Bernard Brunhes au début du 20ème siècle, on sait que le champ magnétique s'est renversé à maintes reprises, c'est-à-dire que le dipôle pointe alternativement vers le pôle nord géographique ou vers le pôle sud à une fréquence très variable. La dernière inversion a eu lieu il y a 780 000 ans mais la précédente seulement 200 mille ans auparavant. On estime que la durée du "basculement" entre les deux polarités est de quelques milliers d'années.

Paléomagnéticiens et théoriciens travaillent sur cet aspect énigmatique du champ depuis plusieurs décennies. Les premiers tentent d'acquérir des données aussi précises que possible sur le court intervalle de temps durant lequel le champ se renverse, tandis que les seconds tentent d'identifier les processus physiques mis en jeu dans le noyau de notre planète. En effet, le champ magnétique terrestre est induit par les mouvements qui animent la partie liquide du noyau, composée de métal en fusion. Depuis une dizaine d'années, quelques équipes tentent également de construire des dynamos expérimentales basées sur des écoulements de sodium liquide et pour la première fois en 2007 une équipe française a pu observer des inversions successives du champ créé par un tel écoulement (dynamo expérimentale VKS) qui présentent des caractéristiques très semblables à celles du champ terrestre déduites des observations paléomagnétiques !