Pierre Le Hir

Marseille se réveille sous la neige, le 7 janvier. Les modèles classiques de prévision avaient annoncé un risque de flocons dans les Bouches-du-Rhône, plutôt dans l'arrière-pays. Mais Météo France a su, quelques heures à l'avance, que l'agglomération serait aussi enneigée. Le 24 janvier, la tempête Klaus s'abat sur le Sud-Ouest. Météo France anticipe des rafales de vent soufflant à plus de 100 km/h et déclenche le niveau de vigilance rouge.

Ces deux succès illustrent l'intérêt du nouveau modèle de prévision numérique de Météo France. Baptisé Arome, pour Applications de la recherche à l'opérationnel à mésoéchelle, il n'est exploité que depuis quelques mois mais a déjà fait la preuve de son flair. Pour prévoir le temps, les météorologues découpent l'atmosphère en mailles horizontales, sur plusieurs niveaux verticaux s'étageant entre le sol et une altitude de 60 km. Pour chaque tranche sont enregistrés les paramètres initiaux (pression, vent, température, humidité) fournis par les stations météorologiques au sol, les radars, les bouées dérivantes et les satellites en orbite polaire (MetOp) ou géostationnaire (Météosat). Les ordinateurs appliquent alors les lois de la mécanique des fluides et de la thermodynamique pour calculer l'évolution des paramètres. Avec d'autant plus de précision et de fiabilité que la maille est fine.

"UN ENJEU DE SÉCURITÉ"

Les modèles utilisés jusqu'ici, Arpège, qui couvre l'ensemble de la planète, et Aladin, centré sur l'Europe de l'Ouest, ont des mailles de respectivement 15 et 10 km de côté. Celles d'Arome, limité à la France métropolitaine, sont de 2,5 km. En contrepartie, ses prévisions sont à courte échéance : de 3 à 30 heures, au lieu de 6 à 48 heures pour Aladin et de 12 à 72 heures pour Arpège. Les trois logiciels fonctionnent en chaîne, chaque maillon affinant la simulation.

Autre innovation, Arome est alimenté par une base de données mondiales distinguant 250 écosystèmes (sol nu, rochers, forêt, parc, lac, océan, ville...), afin de prendre en compte la variété des surfaces, qui influence les conditions météorologiques locales. Le vent est, par exemple, moins fort en forêt que sur une prairie, et les villes forment un îlot de chaleur accumulée le jour et relâchée la nuit. Le modèle est le premier à intégrer les mouvements verticaux violents associés au développement des nuages d'orages, les cumulonimbus.

Arome est ainsi destiné à mieux anticiper et mieux circonscrire des phénomènes météorologiques locaux, potentiellement dangereux, comme les orages, les fortes précipitations, les bourrasques ou les brouillards. "C'est un enjeu de sécurité", souligne Alain Ratier, directeur général adjoint de Météo France. Il y faut bien sûr des moyens de calcul colossaux : ceux du supercalculateur Nec du Centre national de prévision de Toulouse, dont la puissance, de 2 300 milliards d'opérations à la seconde (2,3 téraflops) va doubler dans les prochains mois et quadrupler en 2010.

Déjà, Météo France teste des versions encore plus fines d'Arome, d'une résolution de 1 km ou même 500 mètres, pour l'instant sans équivalent en Europe. Des essais ont été réalisés lors des Championnats du monde de ski alpin de Val-d'Isère, en février, pour prévoir les sautes de vent à très petite échelle. Et sur l'aéroport de Nice, qui connaît des vents cisaillants perturbant le trafic aérien.