Source: CNRS

Sournois, ubiquitaires et très toxiques: ce sont les organoétains, petites molécules contenant un atome d'étain. L'industrie semble ne pouvoir s'en passer: on les retrouve aussi bien dans les pesticides que dans les canalisations en PVC, les plastiques et même les couches pour bébés. Leur utilisation dans les peintures marines a eu des effets dévastateurs sur plusieurs populations de mollusques et de poissons. Chez les mammifères, ils agissent sur le système immunitaire, le système reproductif et pourraient même jouer le rôle d'“obésogènes environnementaux”, en favorisant l'accumulation de graisse corporelle.

Si les effets toxiques de ces composés commencent à être bien connus, en revanche, leur mode d'action demeurait un mystère... jusqu'à ce que deux équipes de chercheurs montpelliérains, dirigées par William Bourguet, du Centre de biochimie structurale (CBS), et Patrick Balaguer, de l'équipe "Signalisation hormonale, environnement et cancer" à l'Institut de recherche en cancérologie de Montpellier, s'emparent du sujet. "Nous avons élucidé un mécanisme d'action qui pourrait expliquer pourquoi les organoétains, même à des concentrations très faibles, sont des perturbateurs endocriniens aussi efficaces", affirme William Bourguet.

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs se sont penchés sur l'interaction entre un organoétain très toxique, le tributylétain (TBT), et une protéine du noyau des cellules, un facteur de transcription appelé RXRa, de la famille des récepteurs nucléaires. Ces derniers, lorsqu'ils sont activés par leurs hormones naturelles, se fixent sur l'ADN et régulent l'expression de certains gènes.

Les chercheurs ont montré que l'atome d'étain du TBT se lie facilement à l'un des acides aminés – une cystéine – du site actif de RXRa. De plus, entre l'étain et cet acide aminé se forme une liaison covalente, c'est-à-dire une liaison extrêmement solide. Le TBT oblige donc la protéine à rester dans son état actif, ce qui bouleverse les équilibres délicats du système endocrinien. "Ce mode d'action du TBT semble pouvoir être extrapolé à d'autres récepteurs nucléaires contenant une cystéine dans leur site actif", affirme le chercheur.

Paradoxalement, ces recherches sur la dangerosité des organoétains pourraient déboucher sur de nouveaux remèdes contre certaines pathologies. "L'on sait que des récepteurs nucléaires sont impliqués dans certains types de cancers. Si l'on parvenait à créer un organoétain parfaitement spécifique de ces récepteurs, on pourrait modifier artificiellement leur activité et combattre la maladie", conclut William Bourguet.