Eric Nunès

Trois arrondissements parisiens sont frappés par une surmortalité infantile, selon l'Atelier parisien de l'urbanisme (APUR, association créée par le Conseil de Paris, chargée de suivre les évolutions urbaines). Ce constat – dressé par plusieurs élus parisiens, alors qu'ils enquêtaient dans le cadre d'une mission d'information sur l'accueil de la petite enfance – n'apparaît pas dans le rapport qu'ils ont remis, le 15 juin, au maire de la capitale.

"La mortalité infantile est en diminution" à Paris, souligne même le document final. 3,4 enfants sont nés sans vie pour 1 000 naissances en 2007. En 2000, la moyenne était de 4,3. La vie progresse même un peu plus vite dans la capitale que dans le reste du territoire puisque le taux de mortalité infantile national était de 3,6 en 2007.

Toutefois, au regard du compte-rendu de la réunion de la mission d'information, daté du 12 mars, que Le Monde s'est procuré, le rapport remis au maire semble incomplet. Le document d'étape précise qu'à la suite d'un exposé fait par Jean-Marie Audry, directeur d'études à l'Atelier parisien de l'urbanisme (APUR) sur la démographie parisienne, Michèle Blumenthal, maire socialiste du 12e arrondissement et membre de la mission, s'interroge sur les raisons de "la surmortalité infantile dans les 12e, 18e et 19e arrondissements".

"AUCUNE EXPLICATION RATIONNELLE ET SCIENTIFIQUE"

La réponse du responsable de l'APUR confirme l'inquiétude de la maire : "Dans les 12e, 18e et 19e arrondissements, le taux de mortalité infantile dépasse de plus d'un point la moyenne parisienne sur la période 2000-2007. Cela n'est pas lié à la présence de services de médecine périnatale dans ces arrondissements, les statistiques étant rapportées au lieu de domicile de la mère (et non au lieu du décès). L'explication réside plutôt semble-t-il dans la présence sur le territoire de ces arrondissements de populations cumulant un suivi médical insuffisant et de mauvaises conditions sanitaires", conclut-il.

C'est en effet sur les territoires des 18e et 19e arrondissements que vit une partie importante des populations les plus pauvres. Selon des chiffres de la direction générale des impôts (DGI), les revenus déclarés médians des foyers fiscaux avec enfants de ces deux arrondissements sont inférieurs à 30 000 euros en 2006, parmi les plus faibles de la capitale. "Dans ces deux arrondissements vivent de nombreuses familles émigrées qui souffrent parfois de tout encadrement sanitaire, précise au Monde Jean-Marie Audry, cela peut avoir une incidence sur la mortalité infantile."

Néanmoins, l'ébauche d'explication ne s'applique pas au 12e arrondissement, réputé plus bourgeois. D'ailleurs, dans une version antérieure de son rapport, la mission "regrettait qu'aucune explication rationnelle et scientifique ne puisse être avancée à ce jour pour expliquer ce taux". De fait, la version définitive du rapport a été expurgée de toutes les mentions relatives à une surmortalité. Une exigence de Michèle Blumenthal, la maire du 12e. Sollicitée par Le Monde, cette dernière n'a pas souhaité répondre à ses questions. Une élue UMP, membre de la mission, regrette le choix de la maire : "S'il y a un problème de surmortalité infantile, il faut en chercher la cause, pas occulter le problème. Madame Blumenthal n'a pas à se sentir responsable, Il est certain que ce n'est pas elle qui dévore les petits enfants."