Fourmis: l'odeur de trop
Par Benje le lundi, juillet 13 2009, 08:39 - Lien permanent
Source: CNRS
Chez les fourmis, on sait déjà que les bons parfums
font les bons amis: toutes les habitantes d'une fourmilière ont la même
odeur corporelle, qui est différente de celle des voisines. C'est cette
appartenance chimique qui permet aux championnes de l'organisation
sociale de vivre entre elles en bonne intelligence et de chasser les
intrus. Mais comment ces insectes arrivent-ils à faire la part entre le
bon et le mauvais fumet à chacune de leurs rencontres ? Sont-ils des
"nez", capables de se souvenir des odeurs ? Non, une fourmi serait
capable de reconnaître son ennemi entre mille parce qu'il porte une
odeur indésirable, une odeur en trop qui l'alerterait. La suite est
instinctive pour la fourmi: si tu n'es pas mon ennemi alors, par
défaut, tu es mon ami. C'est ce qu'a montré Fernando Guerrieri, du
Centre de recherches sur la cognition animale de Toulouse (CRCA), dans
une récente étude menée avec une équipe de chercheurs de l'université de Copenhague.
Il confie: "Longtemps, on a cru que les fourmis mémorisaient à long
terme l'odeur spécifique de leur colonie. Or, en plus d'une composante
génétique propre à chaque société, les substances émises sur la
cuticule de l'insecte changent en fonction de la nourriture consommée.
Actualiser ces variations nécessiterait donc un système assez complexe
d'apprentissage et de mémorisation du profil des congénères." Pour lui,
la cohésion sociale des milliers de fourmis que compte une société
reposerait en fait sur un mécanisme de reconnaissance très simple basé
sur un signal entraînant le rejet: la présence inopinée sur un individu de seulement une ou deux familles d'hydrocarbures particulières, tels que les alcanes à deux ramifications.
"Nous avons utilisé une technique originale, proche du comportement
naturel de la fourmi, qui consiste à lui apporter une substance
odorante en plus par le biais d'une alimentation enrichie en
hydrocarbures", explique le chercheur. Une confrontation entre fourmis
de la même colonie dont certaines avaient consommé du miel très odorant
a été organisée. Constatation: les fourmis qui avaient mangé
normalement rejetaient les fourmis qui avaient mangé anormalement mais
pas le contraire. Cette drôle d'asymétrie de comportement révèle bien
que les fourmis n'analysent pas la totalité d'une odeur. En effet, les
deux groupes ne se rejettent pas de façon égale. En d'autres termes,
dans la nature, c'est uniquement la possession d'une odeur en plus qui
donnera l'alerte, mais pas le manque d'une odeur propre à la colonie.
Plus étonnant encore: une fourmi ne sait donc pas reconnaître
spécifiquement un ami. C'est ne pas être considéré comme un ennemi qui
fera de l'individu rencontré un ami.