Pierre Le Hir

Indépendamment de son coût – 400 milliards d'euros – et des accords géopolitiques qu'il implique, le projet Desertec n'est pas irréaliste. "Les technologies sont connues depuis plus de vingt ans et elles ont démontré leur fiabilité", observe Philippe Malbranche, responsable des programmes de recherche à l'Institut national de l'énergie solaire (INES) de Savoie, qui juge "le concept extrêmement intéressant".

Le dispositif prévu comprend, d'abord, des centrales thermiques solaires à concentration. Celles-ci sont formées de batteries de miroirs – ils peuvent être alignés sur plusieurs kilomètres – qui, de forme cylindro-parabolique, réfléchissent la lumière du soleil dont ils suivent le déplacement, en la concentrant vers un tube contenant de l'huile de synthèse.

Porté à 400°C, ce fluide caloporteur chauffe des circuits d'eau, générant ainsi de la vapeur qui actionne des turbines produisant de l'électricité. L'excès de chaleur emmagasiné durant la journée est suffisant pour faire tourner les turbines une partie de la nuit ou répondre à une pointe de consommation.

La plus grande centrale thermique solaire au monde, en service depuis le milieu des années 1980, se trouve dans le désert de Californie, à Kramer Junction. D'autres installations ont été récemment créées, dans le Nevada et en Espagne, à Almeria.

"CONCURRENTIEL D'ICI À DIX ANS"

Le système nécessite, ensuite, des lignes de transmission de courant continu haute tension. De telles liaisons, qui peuvent être aériennes ou enterrées – dans le cas présent, posées au fond de la Méditerranée –, sont déjà exploitées depuis longtemps, la plus longue du monde (1 400km) reliant le Mozambique à l'Afrique du Sud.

L'électricité d'origine thermosolaire a toutefois un défaut, souligne M. Malbranche : son prix. Le kilowattheure produit coûte aujourd'hui entre 10 et 20 centimes d'euros, contre de 3 à 5 centimes d'euros pour le kilowattheure nucléaire ou fossile. Des progrès technologiques (échangeurs thermiques plus performants, miroirs plus simples), ainsi qu'une fabrication en série, pourraient cependant faire baisser la facture.

Le réassureur Munich Re, qui pilote le consortium autour du projet Desertec, estime, de son côté, que "le courant produit pourrait être concurrentiel d'ici à dix à quinze ans"