D'où vient ce flux de photons détectable sur l'ensemble de la voûte céleste dans le domaine des ondes submillimétriques, que le satellite de la Nasa Cobe repéra en 1992 lorsqu'il cartographia le fond diffus cosmologique (cette lumière a été émise environ 380 000 ans après le Big Bang et elle est encore observable aujourd'hui: c'est un témoin précieux de la prime jeunesse de l'Univers) ? Après plus d'une décennie d'incertitude, une équipe internationale vient de confirmer l'origine de cette radiation (Nature, vol. 458, n° 723, 9 avril 2009, p. 737). Comment ? En observant, à l'aide d'un télescope spécial placé à bord d'un ballon stratosphérique – la mission Blast de la Nasa – lancé au-dessus de l'Antarctique, une section précise du ciel.

Résultats de ces observations: cet énigmatique rayonnement submillimétrique a été produit il y a 7 à 10 milliards d'années, principalement par des "galaxies à sursaut de formation d'étoiles".

Découverts dans les années 1990, ces curieux objets sont les "supergéniteurs" masqués de l'Univers. Ces astres poussiéreux et riches en gaz forment des étoiles à un rythme des centaines de fois plus élevé que celui notre Voie lactée. Et pourtant: ils sont invisibles pour les télescopes classiques. Au sein de ces objets, la lumière générée par les étoiles est, en effet, entièrement absorbée par la poussière et par le gaz présents dans le milieu interstellaire. Ils ne sont donc pas détectables dans le spectre visible : seule la radiation électromagnétique produite lorsque le gaz chauffe trahit leur présence. "Comme la longueur d'onde de cette radiation se situe dans le domaine des ondes submillimétriques, des astronomes ont avancé l'idée que des galaxies à sursaut de formation d'étoiles lointaines puissent produire l'essentiel du rayonnement submillimétrique mis au jour par Cobe," raconte Guillaume Patanchon, astrophysicien au laboratoire "Astroparticule et cosmologie" (APC) (Laboratoire CNRS / Université Paris-VII / CEA / Observatoire de Paris), à Paris, qui participe à la mission. "Ce qui impliquerait que ces astres aient été beaucoup plus abondants dans l'Univers jeune qu'aujourd'hui." Encore fallait-il le prouver.

C'est ce qu'a réussi à faire l'équipe de Blast. La caméra embarquée était capable de réaliser des sondages du ciel avec une résolution inégalée et sur trois longueurs d'onde submillimétriques à la fois. Après onze jours d'observation , ces astrophysiciens ont dressé trois cartes submillimétriques d'une région particulière de l'espace. En comparant ces sondages avec ceux réalisés par d'autres satellites, ils ont ainsi déterminé que plus de la moitié du rayonnement submillimétrique provient de galaxies situées à au moins 9 milliards d'années-lumière de nous, dont la plupart sont précisément des galaxies à "sursaut de formation d'étoiles".